mes vies

blog multidirectionnel : mes vies de mère, de prof, de musicienne, de lectrice, de promeneuse, de dilettante en tout et spécialiste en rien… Et même mes vies de cuisinière, couturière et tricoteuse !

 

les émigrants

Sebald est un écrivain allemand, né en 1944. Il a quitté l’Allemagne à la fin de ses études, pour la Grande-Bretagne, où il est resté jusqu’à la fin de sa vie, enseignant la littérature et la traduction.

Les émigrants, sous-titré Quatre récits illustrés, paru en allemand en 92 (et traduit en français 7 ans plus tard), est ce que Sebald lui-même nomme de la “prose narrative”, ce qui est une façon de botter en touche quand à la question de la véracité ou non de ce qu’il y raconte.

Les quatre portraits qu’il nous dresse sont ceux de quatre hommes qui, ayant quitté leur pays dans leur enfance ou leur jeunesse, se retrouvent pour toujours comme figés, bloqués, dans ce mouvement, cette attitude, celle du départ.

Des émigrants, et non pas des émigrés. Des hommes contraints de laisser derrière eux leurs repères, leur univers, leur langue, et qui, jusqu’à la fin de leur vie, et ce, quelle que soit leur réussite sociale, leur “intégration” dans le pays qui les accueille, sont des hommes blessés, amputés d’une partie substantielle de leur vie.

Ces portraits sont présentés comme des enquêtes, menées par l’auteur, sur des personnes qu’il rencontre au hasard, comme le propriétaire d’un logement qu’il souhaite louer, ou un peintre dans l’atelier duquel il pénètre au cours de ses pérégrinations dans le quartier portuaire de Manchester, ou sur des personnes qui lui ont été proches : un grand-oncle, son instituteur. L’auteur recueille leur témoignage, et collecte toutes sortes de documents : agendas, photographies, lettres… afin de nous présenter un portrait de ces émigrants, qui dresse, “en creux”, celui de son émigration à lui.

Jamais, à aucun moment, Sebald n’affirme qu’il s’agisse de “vrais” personnages, ni de leur vraie histoire; mais à la lecture on peut penser à Carrère et à ses Autres vies que la mienne : comme Carrère, mais avec un talent littéraire, un soin du style bien supérieurs, Sebald semble nous inviter dans l’existence de personnages qui pourraient être nos voisins, nos logeurs, nos instituteurs… Seul un personnage récurrent, le “chasseur de papillon”, qui est présent comme un figurant dans chacun des récits, peut nous laisser penser que la part de fiction, de création, est peut-être plus importante qu’il n’y parait.

Et toujours présente en filigrane, jamais réellement évoquée, l’holocauste, dont la prémonition poussa tant de juifs d’Europe, d’Allemagne en particulier, à émigrer, à tout laisser derrière eux.

Sebald était le fils d’un officier de l’armée allemande, et son œuvre est marquée par cette guerre, par le silence que la génération de son père lui opposa quand à cette période.

Un livre très fort, très bien écrit, très bien traduit surtout (pour lire pas mal de romans nordiques traduits à la truelle ou au “google translate”, je peux dire qu’on s’aperçoit immédiatement de la différence), et, j’ose dire, salutaire, en ces temps où “l’identité nationale” est la vertu suprême, qui a remplacée celle, chère à mon cœur, de cosmopolitisme.

Un livre cosmopolite, donc. (et je ne peux imaginer de plus grande qualité que celle-ci…)

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Le 2 mai 2012
A 20:13
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le cœur cousu

On a beaucoup parlé de Carole Martinez cet automne, avec son “Domaine des murmures”, finaliste du Goncourt et lauréate du Goncourt des lycéens. Mais son “cœur cousu”, son premier roman, qui date de 2007, est dans ma PAL depuis l’été dernier…

Je viens d’en achever la lecture, et j’en sors émerveillée.

C’est d’abord un roman écrit dans une très belle langue : chaque description est ciselée, les métaphores sont originales, imagées, le vocabulaire choisi avec soin, les phrases sont belles, musicales, comme cette description des mains d’Anita :

Et se mains, vous ai-je jamais parlé de ses mains ?
Les mains des conteuses sont des fleurs agitées par le souffle chaud du rêve, elles se balancent en haut de leurs longues tiges souples, fanent, se dressent, refleurissent dans le sable à la première averse, à la première larme, et projettent leurs ombres géantes dans des ciels plus sombres encore, si bien qu’ils paraissent s’éclairer, éventrés par ces mains, par ces fleurs, par ces mots.  

L’univers, ensuite, dans lequel Carole Martinez nous entraîne est celui de la littérature hispanophone : celui de l’épopée, du voyage et de la quête, à la “Don Quichotte” ; l’univers aussi d’un Gabriel Garcia Marquez, d’une Isabel Allende, du film “cria cuervos” : la magie, l’inexplicable est présent, comme une composante naturelle de la vie, de la vie des femmes en particulier.

L’histoire racontée est celle de Frasquita, jeune femme pauvre du sud de l’Espagne, dans une époque qui n’est pas précisément définie, qui pourrait être n’importe laquelle, entre le Moyen-âge et la première guerre mondiale, en gros. Frasquita est “initiée” par sa mère à une sorte de magie blanche : elle apprend les prières qui “guérissent” les brûlures, les blessures, et même qui ressuscitent les morts. Elle reçoit aussi un don qui lui est propre : ce qu’elle coud ou qu’elle brode est sublimé, prend l’aspect du vivant.

Mariée, mère de 5 filles et d’un fils, elle est jouée et perdue par son mari. Commence alors pour elle et ses petits une “traversée”, un long chemin, sur lequel elle rencontrera bien des personnages pittoresques, un ogre, des révolutionnaires, pour échouer finalement dans un quartier espagnol à la lisière de la médina d’une ville algérienne.  Je suis toujours un peu fascinée par les prénoms féminins espagnols : les Conception et autres Dolores… Imaginez-vous vous prénommer Douleur ! Parmi les filles de Frasquita, il y a Martirio, et Soledad, la narratrice. Quels prénoms sublimes, non ? (pour des personnages de roman, bien sûr…)

J’ai adoré ce récit, adoré ces personnages féminins, vraies incarnations du “féminin-sacré” qui m’ont rappelé des figures décrites par Clarissa Pinkola Estes dans Femmes qui courent avec les loups

Et j’ai repensé à une vieille tante de ma famille maternelle, d’origine espagnole et née en Algérie, qui “enlevait le soleil” : elle avait le “don” de guérir les insolations, grâce à quelques prières et gestes ancestraux…

Pour terminer, quelques phrases du roman :

“Depuis le premier soir et le premier matin, depuis la Genèse et le début des livres, le masculin couche avec l’Histoire. Mais il est d’autres récits. Des récits souterrains transmis dans le secret des femmes, des contes enfouis dans l’oreille des filles, sucés avec le lait, des paroles bues aux lèvres des mères. Rien n’est plus fascinant que cette magie apprise avec le sang, apprise avec les règles.”


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Le 26 avril 2012
A 17:54
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non pas parc’qu’il n’piquait pas, mais parc’qu’il piquait !

Donc, six ans après sa sortie, j’ai finalement cédé à l’appelle du hérisson. Comme souvent, quand un livre fait un trop grand tapage à sa sortie, quand c’est le livre que TOUT LE MONDE  a lu, dont TOUT LE MONDE parle, je n’ai aucune envie de le lire. Pour me prouver que je ne suis pas TOUT LE MONDE, sans doute…

De plus, je partais avec des a priori sur ledit hérisson, qu’on me décrivait intello et pédant.

Il a très récemment intégré ma PAL, en édition folio, ramené de chez le bouquiniste. Après tout, avoir l’occasion de se faire sa propre opinion, longtemps après qu’on aie fini d’en parler, pour la modique somme de 2 euros, ce serait dommage de passer à côté.

400 pages, un week-end de lecture, (enfin, même pas, je l’ai achevé ce midi), et un sentiment agréable, même pas mitigé. Un roman gentillet et qui ne va pas bouleverser ma vision du monde, mais un bon moment de lecture.

Si j’étais méchante (très méchante, encore plus méchante que je ne le suis déjà), je pourrais dire que ça m’a fait penser à du Katherine Pancol (l’héroïne de Pancol copine aussi avec sa concierge). Si j’étais gentille, je le comparerais à la “Physique des catastrophes”, le souffle en moins.

Plusieurs personnes disent avoir été déçues par la fin, au contraire, je trouve qu’elle sauve le livre. Je n’en aurais pas voulu d’autre.

Bref, si (comme moi) vous auriez honte de lire du Pancol en public, mais que les bons sentiments et les histoires un peu abracadabrantes où ceux qui ne se rencontreraient jamais dans la vraie vie finissent par se rencontrer, s’aimer, partager, ne vous font pas peur, vous pouvez peut-être succomber au charme de ce hérisson…

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Le 22 avril 2012
A 14:27
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My week with Marilyn…

J’ai profité de ma deuxième semaine de vacances, tranquille à la maison (enfin, “tranquille” dans la mesure où on puisse l’être en présence de deux enfants exubérants, avides de promenades à la plage et d’activités diverses et variées…), pour lire un roman que j’ai récupéré à la fin de l’été dernier : “Blonde”, de Joyce Carol Oates. Le troisième roman de cet auteur que j’ai découvert l’année passée avec “les chutes“, puis les “Mulvaney“.

Comme toujours chez Oates, (dit celle qui n’en a lu que trois mais bon…), c’est un roman-fleuve, plus de mille pages, relatant trente années d’une existence chaotique, erratique, alternant sans cesse entre le firmament hollywoodien et les bas-fonds sordides de la misère humaine, misère affective, misère sexuelle, misère financière…

Lire un livre sur Marilyn Monroe, c’est un peu comme regarder un film sur le Titanic : on sait d’avance comment ça finit, et toutes les péripéties nous sont déjà familières.

Et c’est donc là que Oates peut donner libre court à son style magnifique, somptueux, qui colle à toutes les étapes de la vie de Marilyn comme les robes de satin cousues sur elles par les couturières des studio moulaient chaque centimètre de son corps.

D’emblée, Oates prend fait et cause pour la petite Norma Jeane, elle marche à ses côtés, elle nous montre le monde à travers ses yeux, sans pour autant parler à la première personne. La longue première partie, la “genèse” de cette vie de femme, s’attache à nous décrire cette petite fille sans père, élevée tantôt par une grand-mère aigrie, tantôt par Gladys, la Mère adorée autant que redoutée, au fil de ses épisodes maniaco-dépressifs, dont jamais Norma Jeane ne se sentira aimée, ni même digne d’être aimée.

Et cette blessure initiale, cet amour maternel toujours refusé, continue tout au long du livre d’être la clé de tous les comportements de la jeune fille,qui se marie à 16 ans à peine, puis entame une carrière de mannequin, avant de signer un premier contrat aux “studios” jamais nommés : Norma Jeane ne désire qu’une seule chose, être aimée. Elle croit aimer profondément et sincèrement chaque personne (chaque homme, bien souvent) qui lui témoigne un minimum d’intérêt; elle répète sans cesse qu’elle est “heureuse”, qu’elle “n’a jamais été aussi heureuse”, car chaque évènement un tant soit peu positif est vécu par elle comme immérité. Elle s’étonne toujours d’être aimée, et se débrouille finalement toujours pour mettre fin à cet amour, qu’elle ne se croit pas digne de recevoir…

Cet itinéraire de femme, je l’ai trouvé magnifique et bouleversant, et le style de Oates nous plonge au cœur même de la psyché torturée de Norma Jeane… Son style qui est tantôt sec et nerveux, quand Norma Jeane tente de refouler toutes les émotions négatives qui finiront par la submerger; et tantôt chaotique et presque “fou” lors des crises maniaques de la jeune femme, ou de ses délires médicamenteux…

Bref, un roman de plus de mille pages sur une histoire connue de tous, et qui pourtant nous emporte et nous touche comme si cette histoire devenait la notre… Et le “souffle” incroyable de Joyce Carol Oates : car c’est une chose que d’écrire un roman de 200 pages sur un évènement ponctuel, c’en est une autre de nous tenir en haleine sur trente ans de vie, sur tant d’évènements, d’amants, de maris, de personnages de films, sans jamais nous lasser, jamais nous fatiguer…

…Et toujours, toujours, la même histoire racontée par Oates, à travers ses livres : la femme, victime d’un impitoyable monde d’hommes; soumises à leurs désirs et à leur volonté, mais pourtant rebelle, pourtant inaliénable. Et encore, la filiation, le poids d’une mère, d’un père (soit-il inconnu, absent, chimérique comme celui de Norma Jeane), d’un héritage familial auquel on ne peut pas se soustraire…

6 jours de lecture, une petite semaine de vacances avec Marilyn, qui a changé à jamais ma vision de cette femme (à laquelle, il faut dire, je ne me suis jamais particulièrement intéressée)… J’ai envie de voir ses films, maintenant. Dommage, lundi, c’est la rentrée !

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Le 20 avril 2012
A 11:38
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Un Roman Russe

Troisième livre consécutif se situant en Russie, après Limonov (du même Carrère) et Tesson dans sa cabane sur le lac Baïkal.

J’avais prévu d’autres lectures, mais j’ai eu vraiment envie de rester en Russie, et de retrouver Carrère.

Depuis deux ans, depuis ma découverte de cet écrivain dans « d’autres vies que la mienne », j’ai entrepris de lire tout ce qu’il a écrit depuis « la classe de neige ».

« Un roman Russe » était le « chaînon manquant » entre « l’adversaire » et « d’autres vies que la mienne ».

C’est un récit autobiographique très intime, qui relate deux années de sa vie.

Il vient de publier « l’adversaire », et le sujet de ce livre l’a tellement bouleversé, touché, qu’il éprouve le besoin de « changer d’air ». Ce qu’il fait en partant en reportage dans une petite ville de la Russie profonde, une ville grise, pauvre et triste.

Parallèlement à cela, il débute une histoire d’amour, et souhaite se replonger dans le passé de sa famille, du côté de sa mère, du côté russe.

Ce sont ces trois fils qui vont s’entrelacer au cours des 400 pages de ce récit : sa passion amoureuse, son immersion dans la société de Kotelnitch, et sa plongée dans une histoire familiale douloureuse.

Le livre s’achève sur une lettre de Carrère à sa mère, la secrétaire perpétuelle de l’Académie française ; et c’est autour de la figure de la Mère que tourne tout le livre. La Russie, d’abord, que les russes nomment la « mère russie », qui est la « mère patrie » pour la mère de Carrère. La mère « humaine » de l’auteur, donc, Hélène Carrère d’Encausse. C’est « pour » elle que Carrère entreprend le travail de deuil et de thérapie, le travail de recherche, autour de son père à elle, le grand-père d’Emmanuel, dont le destin tragique est un tabou familial.

« Attends que je sois morte », lui demande sa mère, qui refuse d’avoir un jour à faire face à ce passé trop douloureux. Mais l’écrivain le sait : s’il écrit, s’il raconte des histoires, c’est pour pouvoir raconter celle-là en particulier, et pour se libérer et libérer sa mère du poids de ce secret.

Et la maternité, encore, qui sera au cœur de l’amour passion qu’il vit avec Sophie, sa compagne de l’époque.

Après avoir exploré la psyché de Jean-Claude Romans, le tueur mythomane aux desseins impénétrable, Carrère nous entraîne dans ses pensées les plus intimes, se met à nu devant nous, en tant que créateur, en tant que fils et en tant qu’amant.

Ce « roman russe » qui n’a rien d’un roman éclaire le reste de son œuvre, et répond d’une manière ou d’une autre à ses autres livres. On y retrouve des personnages, des moments de son existence qui sont détaillés dans « d’autres vies que la mienne » ou « limonov ». L’œuvre de Carrère forme vraiment un tout cohérent, et même s’il semble nous promener dans le monde entier, de la Russie à la Thïlande en passant par un village du sud de la France, il creuse toujours le même sillon. « Un roman russe » est la clé de voûte de son travail. J’attends maintenant avec impatience son prochain ouvrage.

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Le 5 avril 2012
A 17:19
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Baïkalisation

Sylvain Tesson est un de ces écrivains-voyageurs, ou écrivains-nomades, dont les récits me fascinent, me donnent toujours envie de chausser mes chaussures de randonnée, de me mettre en route.

Un type que, naïvement, je croyais absolument incapable de rester en place plus de 3 jours.

Mais à l’approche de ses quarante ans, il se retrouve face à la marche, au voyage, un peu comme un vieux junkie :  les sensations qu’il éprouve ne lui suffisent plus, il a beau s’abrutir de kilomètres, il ne ressent plus l’éblouissement des premiers voyages.

Il décide donc, après s’être drogué à l’espace, d’essayer une nouvelle substance : le temps. Il part s’isoler six mois dans une cabane, sur les bords du lac Baïkal, en Sibérie. Son premier voisin est à cinq heures de marche.

Il se fait ermite. Et nous livre son journal.

Dire que j’ai aimé ce livre serait un doux euphémisme. Je ré-écoutai le “masque et la plume” de février dernier où ces critiques parisiens décrivaient ce livre comme “chiant”, ennuyeux, disaient qu’il ne s’y passait rien…

Comment ? Comment peut-on être aussi aveugle ? Comment, la vie, c’est “rien” ? Lire, contempler, se promener, pêcher, écrire, et surtout observer, observer tout, de la mésange qui passe à la glace qui craque au moment du dégel, c’est “rien” ?

J’aime son style aphoristique, j’aime ses réflexions profondes et j’aime ses constatations désabusées sur le monde dont il se met en retrait. L’une des premières phrases du livre explique tout : “Quinze sortes de ketchup. À cause de choses pareilles, j’ai eu envie de quitter ce monde”. Et au départ de l’ami qui l’a accompagné jusqu’à la cabane de rondin qui sera son habitat pour six mois : “je vais enfin savoir si j’ai une vie intérieure”.

Il en a une, de vie intérieure, et elle est assez riche pour que nous puissions, lecteurs, nous en nourrir.

J’ai souligné cinquante phrases, je pourrais citer ici la moitié du livre… J’ai simplement envie de dire que tous ceux qui, un jour, ont rêvé d’une yourte au milieu de nulle part, ont  vu “en ville”, dans le monde, le siècle, une scène ou une chose qui leur a donné envie de fuir sans se retourner, tous ceux-là aimeront le livre de Tesson.

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Le 31 mars 2012
A 12:53
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un été sans les hommes

Deuxième roman de Siri Hustvedt (à force, je parviendrai peut-être à retenir l’orthographe de son nom) en quelques mois… Beaucoup plus court : là où “tout ce que j’aimais” retraçait 30 années de la vie de 6 personnes, “Un été sans les hommes” se concentre sur quelques semaines seulement.
J’ai souvent lu qu’il s’agissait d’un livre “féministe”. Honnêtement, je ne vois pas en quoi. Par contre, il est évident qu’il s’agit d’un livre féminin. S’adressant, principalement, à des femmes, et parlant des femmes. (ce qui ne signifie pas qu’un homme ne puisse pas trouver de plaisir ou d’intérêt à cette lecture… Mais ça lui semblera sans doute plus exotique qu’à moi.)

L’histoire est simple, presque banale : après trente ans de mariage, Boris, le mari de Mia, la quitte pour une femme beaucoup plus jeune. Mais au lieu d’une rupture franche, il lui réclame une “pause”.

Mia sombre dans une dépression très profonde, et pour s’en remettre, décide de partir quelques temps dans la ville de province où elle est née, et où sa mère vit, dans une maison de retraite.

Là, elle côtoie tous les âges de la femme : les adolescentes du cours de poésie, encore à l’orée de leur vie, déjà cherchant à séduire les garçons qui leur tournent autour, souffrant parfois, s’interrogeant sur leur popularité, leur attractivité…

La jeune mère de famille, dans la personne de Lola, sa voisine, qui essaie de maintenir l’équilibre de sa famille, entre un nourrisson, une petite fille très énergique, et un mari maussade et souvent absent…

Et les très vieilles femmes de la maison de retraite, dont sa propre mère, qui tirent le bilan de leur vie, et profitent au maximum du temps qui leur est accordé…

Elle, Mia, la cinquantaine, “encore belle”, se trouve à un tournant décisif de son existence. À un moment où elle ne peut plus continuer d’être celle qu’elle est depuis 30 ans, la “femme de”, la “mère de”…

J’ai beaucoup aimé ce livre, mélange d’humour, d’autodérision, mais aussi de poésie (Mia est une poétesse, on lit ça et là des citations de ses poètes préférés, ainsi que des poèmes écrits par ses jeunes élèves); portraits de femmes, à différentes étapes de leurs vies… Et tableau de la “condition féminine”, aux USA au XXIème siècle, avec toutes les contradictions que cela peut supposer.

C’est, là encore, un livre à l’écriture assez dense, à la langue riche, et qui donne l’impression, à la lecture, d’une complicité avec l’auteur. Pas le moins du monde un livre didactique, non. Un livre sur la sororité, dans laquelle Siri Husdtvedt nous convie à entrer…

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Par mes vies
Le 24 mars 2012
A 10:35
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La steppe est belle…

La steppe est belle...

…Aliosha Vladimir Fedorovitch Sergei Nikaolaïevitch Oulianov Stefanov Dimitri Kovechenko Alapine.

 

*********** fin du très court, très bête et très private joke entre moi et moi-même, prologue*****************

 

 Je viens de terminer la lecture de Limonov, le récit - le “roman”, comme c’est écrit sur la jaquette bleue des éditions POL- d’Emmanuel Carrère, et je ne parviens pas à rédiger un billet satisfaisant. (qui me satisfasse, en tout cas). J’ai adoré ce livre, mais je l’ai trouvé si dense, faisant écho en moi à tant de choses différentes, que j’ai du mal à synthétiser, à mettre l’accent sur un ou deux éléments… J’ai commencé et effacé déjà deux fois; je vois très bien ce qui moi me séduit infiniment dans la vie du “poète russe” et dans le récit qu’en fait Carrère, mais j’ai peur, en en faisant la liste, de décourager d’avance les potentiels lecteurs.

 

Lire Limonov sans rien connaître ou presque, sans rien avoir lu ou presque, de l’histoire de la littérature et de la politique Russe du siècle dernier, est-ce possible ?

 

C’est là toute la question. J’ai tendance à penser que oui : le style de Carrère, déjà présent dans d’autres vies que la mienne ou dans l’adversaire, son écriture presque journalistique (enfin si les journalistes écrivaient comme ça, ça se saurait…), documentée, précise, avec pourtant tant de retours sur lui, sa propre histoire, ses propres sentiments parfois ambigus sur les faits qu’il raconte, est un vrai régal. Carrère fait de la littérature, au vrai sens du terme, sans plus se préoccuper de fiction. Il enquête, il s’approprie une histoire jusqu’à se fondre en elle, jusqu’à ce qu’elle devienne une partie de sa propre histoire. Et il nous la raconte, ou plutôt il nous les raconte, telles qu’elles s’entremêlent : son enfance avec sa mère russologue, qui croise à quelques reprises les mêmes personnes, les mêmes lieux que le jeune Limonov; sa jeunesse, ses “aventures” à lui, qui lui semblent bien ternes quand il les compare à la vie qu’il est en train d’étudier et de nous raconter…

 

Mais moi, depuis mon adolescence matznévienne, tout ce qui touche, de près ou de loin, à la Russie, me fascine forcément. Et Matzneff, justement, Limonov l’a croisé, à Paris. C’est raconté dans le livre de Carrère, en deux ou trois lignes. Et il suffit de ces lignes, encore maintenant, des lignes insignifiantes, pour faire battre mon cœur…

 

Grâce à Matzneff, j’ai découvert et aimé la Russie d’avant la Révolution : Tolstoï, Dostoïevski surtout,  l’orthodoxie, la Russie des samovars.

Mais j’aime aussi beaucoup lire et voir l’histoire des soixante-dix ans de communisme : que ce soit les témoignages de ceux qui ont été persécutés par le régime (Arthur London, L’Aveu, Evguenia Guinsbourg…), les romans inspirés par cette période (du Docteur Jivago à Enfant 44 en passant par le formidable Une exécution ordinaire
…), ou les témoignages de la vie quotidienne de ceux qui sont passés entre les gouttes, comme l’excellent Lénine, Brejnev et moi, lu il y a presque vingt ans mais dont je me souviens avec une précision lumineuse.

 

Et c’est un peu de tout ça, et bien d’autres choses encore, dont est faite la vie de Limonov telle que Carrère nous la présente : la grisaille d’une banlieue soviétique, l’exil aux USA puis à Paris, et le retour en Russie après la disparition de l’Union, via la Serbie. Et la vie dissolue, erratique, de Limonov, qui est poète underground, écrivain sulfureux, homme politique, dissident, soldat, prisonnier selon le cours des choses, se trouve constamment imbriquée avec l’histoire de son pays, qui semble elle aussi, bien souvent incompréhensible à qui la regarde d’un peu loin…

 

Bref, si, comme moi, le simple fait de lire des “Edouard Veniaminovitch”, “Vladimir Vladimirovitch” ou “Mikhaïl Sergueïevitch” long comme le bras vous met en transe, lisez Limonov.

Si vous aimez les mauvais garçons, les dandys underground, les poètes maudits, les beatniks, Bukowski,  lisez Limonov.

Si vous aimeriez comprendre un tout petit peu mieux, en savoir un tout petit peu plus sur l’histoire de l’URSS puis de la Russie lors de ces 35 dernières années, lisez Limonov.

Si vous aimez les histoires pleines de rebondissements, lisez Limonov.

Et si vous aimez la littérature, lisez Limonov.

Lisez Limonov.

 

Allez, quelques petites phrases extraites du livre, qui dressent un portrait intéressant du personnage :

 

” Il aime mieux être chef d’un parti de trois personnes que féal de quelqu’un qui en rassemble des millions.”

 

“Même d’après ceux qui ne l’aimaient pas, c’était quelqu’un sur qui on pouvait compter, quelqu’un qui ne laissait pas tomber les gens, qui tout en en disant pis que pendre s’occupait d’eux s’ils étaient malades ou malheureux, et je pense que beaucoup d’amis autoproclamés du genre humain, n’ayant à la bouche que les mots de bienveillance et de compassion, sont en réalité plus égoïstes et indifférents que ce garçon qui a passé sa vie à se peindre sous les traits d’un méchant.”

 

 

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Par mes vies
Le 17 mars 2012
A 19:24
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Glop et pas glop

Un mercredi tout en dents de scies…

Dans la série “pas glop”, d’abord : des rendez-vous manqués, des contretemps, des disputes et de l’énervement chez les enfants, qui ont aboutit à un nez ensanglanté… Le genres d’enchaînements qui vous font penser qu’il y a VRAIMENT des jours où on ferait mieux de rester coucher.

Mais du côté des glop, il y a :

- la technologie.

Il y a quelques années, quand vous entendiez le début d’une émission passionnante à la radio, mais que vous étiez obligé d’interrompre votre écoute - pour par exemple, aller accompagner votre enfant à un anniversaire, mais l’anniversaire en question était annulé et personne n’a réussi à vous prévenir, cf plus haut, un tour pour rien dans le grand froid-  il vous restait soit l’option “grande ténacité” : écrire à la radio pour se faire envoyer une cassette, soit l’option “tant pis, quel dommage, mais tant pis, halala, quand même c’est ballot, mais bon, tant pis”.

Aujourd’hui, j’entends trois mots à la radio avant d’être obligée de sortir, 3 mots qui sont une madeleine précieuse : un bout de chronique dans l’émission “la tête au carré” (oui je sais je n’écoute plus France Inter, mais sur l’autoradio ça m’arrive encore) où le journaliste parle d’un livre, “Qu’est-ce que la philosophie antique?” de Pierre Hadot. Or ce livre est le premier livre traitant de philosophie que j’ai lu, il figurait en tête de la bibliographie fournie par mon bien-aimé prof de philo de terminale. Mes souvenirs de cette lecture sont plus que lointains, mais entendre prononcer ce titre à la radio m’a ramenée à ce prof, à cette année de terminale, au lycée…

Du coup, je voulais absolument écouter cette chronique, et de retour à la maison, 3 clics ont suffit (le podcast est là, pour mon seul lecteur susceptible d’être intéressé). (Oh, tiens, dans le lien il y a une faute à Hadot, qu’ils ont orthographié “Adot”, du coup ça m’a fait douter et il a fallut que j’aille vérifier. C’est bien Hadot, 18 ans après mon année de terminale je sais toujours l’écrire, alors que je ne saurai JAMAIS orthographier colonne du premier coup.)

Le bonheur, c’est simple comme un podcast. (et bien évidemment, j’ai ressorti mon exemplaire un peu jauni, avec la ferme intention de le relire…)

- les élèves de troisième.

Je me rends compte à quel point la relation aux élèves change du tout au tout, quand on les a pour la deuxième année. Quand on se connait déjà. Comme on se passe, mutuellement, beaucoup plus de choses. Comme les relations sont plus détendues, moins empreintes de “lutte de pouvoir”, comme je ne cherche pas du tout la même chose avec eux qu’avec les autres.

Tous les profs dont je me souviens parlaient, rarement pour certains, tout le temps pour d’autres, d’eux-même. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait (jamais eu conscience de faire) l’année dernière, mais que je fais avec ces 3èmes que je commence à bien connaître. C’est amusant. Je croyais que je gardais cette distance “par choix”, parce que c’était ce que je voulais vraiment, être une prof “objective”, dépersonnalisée, désincarnée… Mais en fait, pas du tout.

Et ce matin, commencer à parler de Boris Vian, puis dévier sur les Zazous, puis de façon plus générale sur la façon qu’ont les adolescents et les jeunes adultes de se “démarquer” de la culture “adulte” dominante en s’adonnant à une contre-culture, à une mode qui leur soit propre, pour terminer par leur expliquer que leurs pantalons en bas des fesses ne sont pas plus subversifs, ni moins d’ailleurs, que les pantalons trop longs des zazous… Que suivre une mode qui déplait aux adultes (qui la jugent ridicule, ou choquante) est une constante de l’adolescence depuis au moins les années 20. (je n’intéresse jamais autant les élèves que quand je parle de choses totalement étrangères à ma matière…)

Et là, la question qui tue : “et vous, madame, vous avez suivi la mode quand vous étiez adolescente ?” (apparemment, à me regarder, ça ne semble pas évident pour eux 1) que j’ai pu avoir une adolescence et 2) qu’éventuellement, j’ai pu arborer le moindre signe de rébellion à l’ordre institutionnel, à un quelconque moment de ma vie.) Donc, j’ai répondu que oui. Que je m’habillais tout en noir. (silence consterné des élèves). “Heu… comme maintenant, quoi !”. (ah ben non, regardez. J’ai un collier coloré et un sous-pull violet foncé qui dépasse presque de mon gilet noir.)

Mais d’un coup, j’ai réalisé que j’avais parlé *de moi*. Qu’on avait eu une discussion, un échange. Que certains avaient peut-être réfléchi (au sens que ça peut avoir, la mode, l’adolescence, à la portée “réelle” de toute contreculture…)

Voilà, ça a “fait ma journée” comme on dit en anglais. Il en faut peu pour transformer une heure de cours en une “bonne” heure de cours, et quand ça arrive, c’est quand même chouette.

(dans l’autre établissement, celui où je ne suis que depuis septembre, lundi des (enfin un, sans doute) élève(s) m’a ou m’ont piqué mes gants, que j’avais mis à sécher sur le barre sous le tableau. Le genre de geste qui vient ruiner une journée… )

Categorie : moi, livres, education
Par mes vies
Le 1 février 2012
A 16:32
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bonne année et bonne san-thé

Parmi les cadeaux reçus à Noël, (et, oui, fin du suspens, les Kundera étaient bien sous le sapin, avec le petit agenda, illustré des dessins à l’encre de Michaut…), en voici un qui m’accompagne toute la journée :


J’adore ces mugs “penguin”, j’ai aussi celui d’Agatha Christie, “The Body In The Library”… Il en existe quelques autres que je m’achèterais bien, pour compléter la collection… en fonction des auteurs que j’aime : “My Man Jeeves“, “Wuthering Heights”, “Pride and Prejudice”…

Categorie : livres, fashion victim
Par mes vies
Le 7 janvier 2012
A 10:34
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