mes vies

blog multidirectionnel : mes vies de mère, de prof, de musicienne, de lectrice, de promeneuse, de dilettante en tout et spécialiste en rien… Et même mes vies de cuisinière, couturière et tricoteuse !

 

Tu te méfieras

Tu te méfieras, quand tu feras passer l’oral de l’option musique au bac. Tu te méfieras, parce que dans la partie “pratique musicale” tu entendras vraiment de tout. Le guitariste qui joue, tout seul, sans batteur, sans chanteur, la partie de guitare de “Still Loving You”, choix curieux… Ou ce contrebassiste qui joue, tout seul là encore, en pizz et assez mollement, la mélodie du “jazz et la java”. Nougamou…

Tu te méfieras, parce que tu entendras des élèves chanter un peu faux, ou chanter pas assez; tu te méfieras parce que le piano du la salle de musique est redoutable, tellement sonore qu’il décoiffe, et que du coup toutes les notes se brouillent, la “valse d’Amélie” ressemble un peu à un cluster géant.

Tu te méfieras, parce que parfois tu entendras des choses pas mal. Voire même très bien. Cette sonate piano-violoncelle parfaitement menée, ce clarinettiste qui joue un morceau de Bratsch qui donne envie de danser.

Tu te méfieras, surtout, quand tu verras entrer ces deux petits élèves, là, qui n’ont l’air que de deux lycéens ordinaire. Une fille pas très grande, à l’allure banale; un gars avec une guitare bon marché et une chemise bien repassée - c’est le bac, quand même. Ils annoncent ce qu’ils vont chanter et tu ne comprendras pas le nom du groupe, au départ. La chanson s’appelle “petit bonhomme”, tu ne connais pas, ton cerveau ajoutera même “en mousse” au titre. (tu te méfieras de ton cerveau).

Au début, tu seras attentive, quelques accords tout simples à la guitare, et puis, tout de suite, la voix de la fille. Une voix qui t’attrape, te prend et ne te lâche pas. Une voix timbrée, douce, bien posée. Qui articule avec précision les paroles de la chanson.

Tu écouteras et tu articuleras un demi sourire, avant de commencer à comprendre. Tu ne souriras plus. La fille ferme les yeux, son copain le guitariste la rejoint à la tierce sur les refrains. Tu te méfieras, parce que la chair de poule commencera à monter.

Puis arriveront les derniers couplets, et le coup de grâce. Les larmes monteront aux yeux, alors tu tenteras de les cacher, parce que bon, le jury qui pleure, au bac, ça le fait pas, hein ? Mais les larmes ne voudront pas rester au bord des paupières. Tu commenceras à pleurer pour de bon, avec les larmes qui roulent sur la joue. Tu garderas la tête baissée jusqu’à la fin de la chanson, jusqu’à l’ultime coup de poignard.

Quelques secondes de silence, puis tu arriveras à bredouiller “merci beaucoup”, et les élèves s’en iront par la petite porte au fond de la salle.

Alors tu tourneras la tête et tu croiseras le regard de tes collègues : regards brillants, larmoyants, yeux rouges, et même la collègue qui tamponne avec son mouchoir le mascara qui dégouline.

… On se méfie jamais assez des petits lycéens qui ont l’air de petits lycéens. On se méfie jamais assez des petites chansons qui sont juste des petites chanson.

Categorie : la chanson du jour
Par mes vies
Le 31 mai 2018
A 16:03
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t’as voulu voir Rouen…

Rouen, donc. Autant, passer les écrits à Paris, c’était vraiment plaisant. D’abord, le simple fait d’être à Paris. De marcher dans les rues de Paris, de me remplir les yeux, et de déambuler dans le saint des saints (à savoir le Monoprix de Montparnasse). Sans compter qu’à chaque séjour j’ai réussi à caser un peu de vie sociale (une terrasse de café, une expo, un salon… en compagnie d’amis pas vus depuis longtemps).

Rouen, par contre… outre le fait que je n’y connaisse absolument personne, je pouvais difficilement y caser quoi que ce soit : le voyage dure 6 heures. Oui, le double d’un Paris-St Nazaire. (alors qu’à vol d’oiseau la distance est la même, à 2 kilomètres près selon l’omniscient Gougueule)

Cependant, j’avais dans l’oreille la chanson de Vincent Delerm sur Rouen, “voici la ville”, et quelques images de la cathédrale peinte par Monet… Soulagée d’un bon paquet de stress à l’issue de mon oral, et en avance de quelques heures selon mon habitude, j’avais donc décidé d’aller un peu à pied explorer la ville. Il tombait, bien sûr, une petite pluie fine et pénétrante mais je suis nantaise et je ne crains pas ce type d’intempérie (qui en est à peine une à mes yeux). Je descendais vers les bords de Seine, passant dans des petites rues très étroites avec des maisons à colombage (ô combien exotique pour quelqu’un qui vit dans une ville où les rares bâtiments anciens datent du début du XXème siècle) quand la pluie a commencé à s’intensifier. Bientôt, il m’a fallut me réfugier sous le auvent d’un marchand de chaussure, et j’ai assisté à la pire averse de toute mon existence. (et j’ai vécu 18 ans à Nantes, je le rappelle !) Il est tombé “la mer et les poissons”, comme dit ma grand-mère, et de la grêle en surplus. Les rares passants agrippaient leurs parapluies et courraient comme s’ils avaient le diable aux trousses; et la la plupart des gens faisaient comme moi et s’abritaient en attendant la fin du déluge.
Au bout d’une dizaine de minute quand même, j’ai fini par abandonner l’idée de faire du tourisme dans la ville où le plus grand chanteur français du XXIème siècle fit ses études, j’ai rabattu ma capuche sur mon front et je suis retournée dare-dare à la gare, où j’ai attendu mon train au buffet, devant un café, trempée comme une soupe.

Je n’aurai donc de Rouen que quelques images aperçues par les fenêtres d’un bus : des rues très pentues, de belles maisons à colombage, de la pluie comme jamais, et le parking d’un hypermarché comme unique vue depuis ma chambre d’hôtel…

Categorie : moi, la chanson du jour
Par mes vies
Le 14 mai 2014
A 17:18
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Anne Sylvestre

Anne Sylvestre et moi, c’est une histoire récente. Je pourrais dire que je l’écoutais déjà petite, mais ce serait mentir. Les “fabulettes”, y’avait pas ça chez moi. Ma copine de maternelle en possédait un album, et j’ai dû l’écouter une fois ou l’autre chez elle, je me souviens de ces pochettes, blanches et roses.

Moi, j’écoutais plutôt les “livres-disques”, des histoires racontées, et il fallait tourner la page quand on entendait la petite clochette, “diling-diling”. Et côté musique, à part peut-être les “vieilles chansons françaises” chantées par “Dorothée et ses amis”, parmi lesquelles, souvenir impérissable, “Jean-François de Nantes”, qui me parlait d’un gars de chez moué, Jean-Fran-çoé… , j’écoutais les disques de mes parents, Tri-Yann, Brassens, Ferré, Yves Duteil et les danses hongroises de Brahms. (après ça, vous ne vous étonnerez plus de rien.)

Anne Sylvestre et les Fabulettes sont entrés chez moi à la naissance de Malo : on aimait bien la maison pleine de fenêtres et les mots magiques, mais bon, ça s’arrêtait là.

Bien sûr, j’entendais régulièrement sur France Inter (ai-je déjà mentionné que j’étais une auditrice de France Inter ? Oui, environ 497 fois ? ha, bon) des gens très bien qui disaient avoir beaucoup écouté Anne Sylvestre, mais pas ses chansons pour enfants, non, ses “chansons féministes”. Bon. Je me disais que ça devait faire bien, chez les bobos les auditeurs de France Inter, d’écouter Anne Sylvestre.

Mais moi, j’écoutais pas. Je ne connaissais pas.

Et puis trois chanteurs que j’aime énormément, à savoir Vincent Delerm, Albin de la Simone et Jeanne Cherhal, ont repris ensemble une chanson d’Anne Sylvestre sur l’album de reprise et de duos (et donc de trio, aussi) de Delerm.
“Les gens qui doutent”.

L’accompagnement était tout simple, juste quelques accords au piano.

Et la chanson disait des choses qui m’allaient droit au cœur, et même plus loin, des choses simples et douces et dures qui me donnaient à la fois les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres…

Elle disait, entre autre, “J’aime les gens qui doutent, les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer; J’aime les gens qui passent, moitié dans leurs godasses et moitié à côté. J’aime leur petite chanson, même s’ils passent pour des cons…

J’aime les gens qui doutent
Et voudraient qu’on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu’on ne les malmène
Jamais quand ils promènent
Leurs automnes au printemps

Qu’on leur dise que l’âme
Fait de plus belles flammes
Que tous ces tristes culs
Et qu’on les remercie
Qu’on leur dise, on leur crie
“Merci d’avoir vécu

Merci pour la tendresse
Et tant pis pour vos fesses
Qui ont fait ce qu’elles ont pu”.

Alors j’ai commencé à écouter cette “petite chanson“, dix fois par jour. D’abord par les trois interprètes de la jeune génération, puis, par curiosité, je suis allée voir du côté de celle qui l’avait créée. Et comme l’internet est quand même un outil formidable, j’ai pu découvrir, de clic en clic, des dizaines d’autres chansons. Toutes aussi belles, toutes avec ce même regard, tendre et goguenard à la fois, sur elle-même et sur toutes les femmes…

Je n’ai pas compris pourquoi on pouvait dire qu’elle était une chanteuse “féministe”. C’est une chanteuse qui chante “Frauenliebe und leben”, “la vie et l’amour d’une femme”, comme Schumann en son temps. Mais mieux que Schumann, parce qu’elle, elle sait de quoi elle parle.

Elle chante le corps, sa “carcasse“; comme toute femme, elle la trouve toujours un peu “trop”, mais nous fait rire au dépend des “minces” dans sa “plate prière“. Elle chante la sexualité, et tous ses aspects : tour à tour “femme du vent“, mère contre sa volonté dans “Rose“, femme violée à travers la métaphore de la “Douce Maison“; elle parle d’avortement dans “non, tu n’as pas de nom“; d’amitié et du “mal de vivre” dans “Thérèse” (et cette intro au cor anglais qui me fout la chair de poule avec sa sixte mineure ascendante…) ou d’amitié et de légèreté dans “famille pour famille“… Passe d’un sujet léger à un sujet grave, chante la condition féminine dans la “Faute à Ève” ou dans la “vaisselle” : “qui c’est qui fait la vaisselle, faut pas qu’ça se perde, qui c’est qui doit rester belle, les mains dans la merde ?”

Une femme qui parle de la vie des femmes, à la fois représentative de son époque, où la parole et le corps des femmes ont commencé à avoir le droit d’exister; et intemporelle, car elle me parle aussi bien aujourd’hui, dans une société où soi-disant je suis “libérée”…

Une mère, une amie, une alter-ego, une femme aux textes simples, aux mélodies légères, à la voix chaude et expressive…

Voilà, moi aussi j’appartiens au clan de ceux qui disent “Moi j’aime Anne Sylvestre, mais pas pour ses chansons pour enfants, plutôt pour ses chansons pour les adultes”. Je ne dis pas “féministes”. Je ne sais pas trop ce que c’est, le féminisme. Et les chansons d’Anne, elles vont bien au-delà d’une idéologie ou d’un combat politique. Elles sont “des” femmes, comme d’autres sont d’une région ou d’un pays. C’est d’ailleurs peut-être pour ça qu’Anne Sylvestre n’a pas connu un très grand succès médiatique, qu’elle ne bénéficie pas d’une reconnaissance unanime, comme Barabara par exemple : une femme qui chante des chansons qui parlent des femmes et des enfants, c’est forcément “mineur”, non ?

Categorie : musique, la chanson du jour
Par mes vies
Le 6 février 2013
A 20:28
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Janvier septante-sept.

Il y a quelques disques qui m’accompagnent depuis toujours. Des disques que j’écoutais, en 33tours, sur la chaine dans la chambre de mes parents, quand j’étais toute petite; et dont je possède aujourd’hui la version CD.

Des disques dont je peux dire qu’il ne s’est pas passé une année entre ma naissance et aujourd’hui sans que je les écoute.

Quelques vieux Tri yann, l’album des Kouerien, les premiers albums d’Yves Duteil. Et celui dont je voulais parler aujourd’hui, un “live” (même si à l’époque personne n’employait ce mot) de Julos Beaucarne : “Au théâtre de la ville, Janvier septante-sept”. Cette captation de concert a donc eu lieu un an, exactement, avant ma naissance.

Je revois parfaitement la grande pochette dans les tons de bleu, représentant un monument quelconque (peut-être le fameux “théâtre de la ville” ? De quelle ville, d’ailleurs ?). Et au milieu, collé là par quelque apprenti graphiste pré-photoshop, la photo la plus incroyable que j’ai vue sur une pochette de disque. Une photo un peu jaune, du chanteur assis par terre, près d’un truc non identifiable (outil ? machine ? Poèle à bois ou à charbon ???), vêtu d’un improbable gilet en jacquard. Une photo comme il en traine dans les albums de famille, ratée, une peu floue, un peu sous-exposée, pas vraiment cadrée…

Une photo qui vient dire le côté simple, nature, presque artisanal de ce concert, de cette musique, de ces chansons.

La pochette du CD est l’exacte reproduction de l’original, sans le moindre travail d’édition. Combien s’en est-il vendu ?

Julos Beaucarne est en dehors de tout ça, chanteur non-commercial, non récupérable, “libre dans sa tête” comme disait l’autre.

Cet album, je le connais par cœur de la première à la dernière note. Comme 12 autres c’est mon album préféré de tous les temps… Une voix, celle de Julos, un violoncelle, une flûte, une guitare, un piano et une voix féminine qui interprète à elle toute-seule  “les chœurs de l’armée verte” comme le dit le chanteur en présentant ses musiciens (en 77, à une époque où ça n’était pas la mode de mettre le vert à toutes les sauces…)

Des textes, surtout. Ceux du chanteurs lui-même, poignants, poétiques, engagés, amusés… Ceux de quelques autres, de Victor Hugo à Arthur Trigaux, obscur auteur-compositeur wallon du début du siècle (le 20ème, bien sûr).

Des textes qu’il chante, et d’autres qu’il dit, accompagné ou non des instruments…

Parmi les chansons, les textes, les intermèdes instrumentaux, j’ai du mal à choisir un seul extrait, tant tous me parlent, me touchent, m’amusent ou m’émeuvent.

Les textes sur Périclès ou sur la francophonie, toujours terriblement d’actualité, les chansons amusantes, comme l’oncle Eustache ou la petite gayole, sont de vrais petits bijoux.

Les chansons plus graves ou plus poétiques ont tout de même ma préférence… J’ai “travaillé” avec des élèves la chanson sur un poème de Victor Hugo : “Je ne songeais pas à Rose”, très belle chanson à l’accompagnement parfaitement pensé, à la flûte et au violoncelle, qui endossent chacun le rôle de l’un des personnages du poème.

“Chanson pour Loulou” est une chanson belle, poignante mais toujours optimiste et jamais larmoyante, qu’il a écrite après l’assassinat de sa femme, par un vagabond qu’ils hébergeaient…

“À vous mes beaux messieurs” est une chanson pacifiste et humaniste, que je fais comparer au “Déserteur” par les élèves de 3ème, vu qu’elle s’en rapproche un peu sur la forme (l’adresse directe aux puissants…)

Mais celle qui m’a toujours bouleversée c’est “Lettre à Kissinger”.

Elle raconte de façon crue et factuelle la mutilation et l’exécution publique de Victor Jara, au Chili. C’est une chanson que je ne peux pas écouter sans avoir la chair de poule et les larmes aux yeux, bien que je l’ai entendue déjà des milliers de fois.

Elle nous rappelle qu’aujourd’hui comme toujours, les artistes, les musiciens, les poètes, ceux qu’on dit parfois rêveurs, en dehors du monde et de ses réalités, sont la principale cible des régimes totalitaires… Car comme le chante Yves Duteil,

Vous pouvez fermer vos frontières
Bloquer vos ports et vos rivières
Mais les chansons voyagent à pied
En secret dans des coeurs fermés

La chanson engagée, la chanson politique, la chanson de résistance a encore beaucoup de force et de puissance…

L’accompagnement à la guitare qui monte en puissance de couplet en couplet, les longues tenues au violoncelle contribuent à la tension palpable de cette chanson.

(je parle là de la version concert, celle de “mon” disque. Sur la vidéo, c’est une version album, légèrement différente.)

Je vous conseille d’aller lire la fiche Wikipedia de Julos Beaucarne. Le portrait qui en est dressé rend le personnage bien plus que sympathique…

Il faut, absolument, lire la lettre ouverte écrite par Beaucarne au lendemain de l’assassinat de sa femme, qui se termine par ces mots superbes : “il faut s’aimer à tort et à travers”.

Et enfin, le site qui retrace la vie, l’oeuvre, l’action politique, la mort, et l’héritage de Victor Jara.

et enfin-enfin, la chanson…

Categorie : Non classé, musique, la chanson du jour
Par mes vies
Le 8 février 2012
A 14:32
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la taille de mon âme

La chanson du moment, c’est une chanson de Daniel Darc (un chanteur selon mon cœur : un chanteur français, à texte (et pas à voix), qui murmure des chansons pas énervées…). La chanson éponyme de son dernier album, “La taille de mon âme”.

Ce que j’adore :

- le texte : Une énumération qui fait penser à celle de Bardot dans le mépris : “Si tu savais mes yeux… rien… Si tu savais mes mains… rien… Si tu savais mes reins… rien…”, avec la voix parlée du chanteur; ou plutôt sa voix susurrée devrais-je dire…

- l’accompagnement : sur une valse jouée au piano, une mélodie au saxophone, lente, lyrique, entêtante, avec un (tout) petit quelque chose de la fameuse valse de Chostakovitch. (si, celle de la pub pour les assurances je sais plus quoi, qui a fait un tabac, le pauvre compositeur ne s’y attendait surement pas, à celle-ci !). Encore une chanson à trois temps, comme “majorette” de Bénabar… Finalement, elles ne sont peut-être pas si rares que ça… Cette valse est en mode de la, mode mineur sans sensible comme on dit à la fac de muzicologie, mais pour le commun des mortels, c’est un mode qui donne l’impression d’une légère tristesse, d’une douce mélancolie, sans tension, sans la moindre dureté…

- le refrain, où le chanteur chante (incroyable !) cette fois, sur la fameuse mélodie, “Si seulement tu savais la taille de mon âme”… Et là, en moins de dix mots, une atmosphère, toute une histoire, des sentiments universels… Le miracle d’une chanson, la magie d’un seul vers qui dit tant avec si peu.

Et au début comme à la fin de la chanson, des extraits de dialogues tirés des “enfants du Paradis”, avec le fameux “Paris est tout petit pour ceux qui s’aiment comme nous d’un aussi grand amour”, prononcé par Arletty de son ton ironique à Frédéric qu’elle vient de rencontrer; et le magnifique “-Que vous êtes belle ! -Je suis pas belle, je suis vivante, c’est tout…”

(certes, ces bouts de dialogues cultes de films cultes ça fait très Vincent Delerm, sauf que Vincent Delerm cite la nouvelle vague, et Daniel Darc remonte un peu plus loin dans le temps. Subtile différence, me direz-vous… )

Bon, assez disséqué. Cette chanson est belle pour tout ça, mais elle est belle même sans qu’on ai conscience de tous ces éléments superposés… À vous de juger :

(et j’ajoute, comme je viens de le découvrir à l’instant, que Daniel Darc qui n’est pas le quart d’un imbécile, a traduit en français quelques uns des derniers livres de Burroughs…)

Categorie : la chanson du jour
Par mes vies
Le 18 janvier 2012
A 14:00
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au départ…

Depuis des années, à chaque annonce de la grille de rentrée de France Inter, je m’indigne, je m’agace… Comment, tel animateur que j’adore, telle émission à laquelle je suis accro, déprogrammée ? Disparue ? Déplacée à un horaire où je n’écoute jamais la radio ??

Je promets, “c’est bien fini”, je n’écouterai plus Inter, c’est bien fini. Et puis, les habitudes ont la peau dure, le vieux poste avec sa molette imprécise décourage le zapping, les jours de grève achèvent de me convaincre que c’est pire ailleurs…

Mais pas cette année. Trop, c’est trop. La matinale est archi nulle, les “humoristes” ne me font absolument pas rire, et la tranche du midi que j’écoute depuis Laurent Ruquier (ça doit faire 20 ans ou plus) est devenue, avec Giordano, insupportable.

À l’époque du lycée, je bidouillais avec un programmateur et une cassette audio pour enregistrer “rien à cirer” pendant que j’étais en cours, histoire de ne pas louper la chronique de certains de mes chroniqueurs préférés. Aujourd’hui, le podcast est là et il suffit d’un clic pour écouter quand bon nous semble telle chronique ou telle émission.

Donc, je podcast l’indispensable François Morel, Daniel Morin qui n’est pas toujours très fin mais persiste à m’amuser, le masque et la plume bien évidemment. Pour le reste, je pioche, au gré du temps libre qui me reste et du sommaire des émissions… Parfois une revue de presse, parfois un peu de Philippe Meyer… Mais France Inter ne fait plus partie de ma vie. La molette du poste est maintenant figée sur France Musique.

Du coup, j’ai aussi plus de “temps” pour écouter les podcasts d’autres horizons. Ceux de Telerama radio, en particulier, que j’aime vraiment beaucoup, et spécialement “les sonos tonnent”, une tribune des critiques de disques “chanson française”.

Ils ne se prennent pas au sérieux, mais leurs avis sont intelligents, souvent féroces, sans pitié ni complaisance… Tout ce que j’aime. (qui a dit : “méchant” ?)

Et grâce à eux je découvre de temps en temps des albums, des chanteurs qui m’échapperaient complètement sinon. Cette année, grâce aux Sono Tonnent j’ai découvert Alex Beaupain et son “pourquoi battait mon coeur”.

Tout ce que j’aime, un interprète à la voix “naturelle”, chaleureuse, expressive… Des textes qui nous touchent, qui parlent de nous (nous les bobos trentenaires, je veux dire. OK, des textes qui parlent de moi…)

Des arrangements  très simples, réduits à leur plus simple expression (souvent juste un piano et une rythmique discrète) : les harmonies sont riches et originales, alors pas besoin de débauches de violons dégoulinants ou de guitares hurlantes.

Se dégage de cet album un climat un peu mélancolique… On a l’impression d’un chanteur un peu “détaché”, revenu de beaucoup de choses… Sans nostalgie excessive, non plus. Bref, le blues accompagné d’assez d’auto-dérision pour ne pas sombrer dans le pathos.

La chanson éponyme, “pourquoi battait mon cœur”, en est l’illustration parfaite. Mais ma chanson préférée sur cet album (et je crois en avoir déjà parlé ici à l’époque où j’avais acheté l’album ??? À moins que ce ne soit ailleurs…), c’est “au départ”.

Une chanson qui parle, encore une fois, du sujet le plus éculé du monde : l’amour qui s’use avec le temps. Mais Beaupain traite cette histoire sur un mode original : il utilise les mandats de François Mitterand comme métaphore de son histoire d’amour :

Au départ au départ
Tu sais c’est comme pour nous deux
J’y croyais sans trop y croire
Au départ c’est toujours mieux

Et puis la rigueur et puis les mots qui blessent, les tensions
Moi c’est moi, lui c’est lui et la cohabitation

Et c’est vraiment bien trouvé, ces mots qui peuvent être utilisés aussi bien dans le commentaire politique que dans la description d’une relation amoureuse…

Le tout sur un arrangement un peu pop, avec un petit riff de guitare simplissime (3 notes, au chromatisme inquiétant et tendu).

Categorie : la chanson du jour
Par mes vies
Le 11 janvier 2012
A 15:05
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Je suis une tombe

La chanson du jour, c’est une chanson de Vincent Baguian que je n’avais pas écoutée depuis longtemps, “je suis une tombe”.

Vincent Baguian, (oui, j’adore les chanteurs qui se prénomment Vincent) c’est un chanteur que j’ai découvert (tout comme l’autre Vincent) sur les ondes de France Inter. Oui, j’y peux rien, mais quasi tous les chanteurs que j’aime sont estampillés “France Inter”, “Télérama” ou “les Inrocks”. Parfois même, les trois à la fois. Son deuxième album, “pas mal”, est sorti quand j’étais en terminale. Et “Les vélos d’Amsterdam” passait alors une fois par semaine sur Inter. J’ai acheté l’album, “pas mal”, comme son nom l’indique. Des chansons assez drôles, pleines de jeux de mots (”j’regarde les biches, qui m’regardent avec dédain…”). Des chansons tendres, des chansons un peu tristes. L’une d’elle qui me serre encore la gorge chaque fois que je l’écoute : “comme un vieux monsieur” : “et des mots croisés plein la tête, n’a plus de femme en quatre lettres ? Déboucher encore son parfum, sentir les souvenirs trop loin”…

L’album suivant, “mes chants”, je l’ai écouté énormément, pas vraiment pour les chansons “méchantes”, caustiques et drôles, comme “on ne nait pas contractuelle” : “.. un jour, on le devient; une femme est capable de tout quand ses enfants ont faim…”, ou “sur Jésus Christ, j’ai fait une croix”, ou encore “j’ai inventé la scie sauteuse“; mais plutôt pour deux chansons que je trouve, moi, très belles, poignantes : “Simple comme bonjour”, écrite avec Zazie : “J’aimerais beaucoup t’écrire des chansons d’amour, sans jeux de mots ni fleurs autours […] ça parait simple comme bonjour, simple comme tout. Ça parait simple comme la vie ne l’est pas, je garde ça pour moi”. La mélodie avec sa quarte ascendante et ses silences, sur ces paroles toutes simples mais plus profondes qu’elles n’en ont l’air, font de cette chanson une de celles qui me touchent, tout comme “Mademoiselle Rose”, sur les fantasmes amoureux décrits dans le style arlequin, d’une femme seule… Un “madame rêve” à la Vincent Baguian.

Son quatrième album (le troisième cité ici, puisque l’un des grands sujets de plaisanterie de Vincent Baguian, c’est son premier album qui s’est vendu à moins de 100 exemplaires…) est parut quand j’étais enceinte d’Eléa, (donc en 2007) et s’intitule “ce soir c’est moi qui fait la fille”, qui est aussi le titre de la première chanson. Première chanson très belle, sur le désir masculin… Je l’aime beaucoup, en particulier pour son accompagnement au piano, avec une petite ritournelle très entêtante, et aux cordes en pizz. (et me demandez pas pourquoi, j’aime bien entendre quelques pizz dans une chanson)

Mais LA chanson dont j’avais envie de parler aujourd’hui, présente donc sur ce quatrième album, “Je suis une tombe”. Baguian y parle de son origine arménienne : “moi je suis la tombe d’une partie du monde, j’y peux rien, je suis là, je suis l’ombre au milieu des décombres”. Il y parle surtout de son ignorance de l’histoire de sa famille :

“Comment savoir qui je suis
Sans savoir de qui je tiens ?
Je suis à moi-même étranger
En ne connaissant rien
Du nom qui est le mien”

et de son besoin de la connaître pour mettre fin à ses peurs, à ses angoisses, héritées mais non dites…

(Il faut que ma peur cesse enfin
Au fond de moi reste gravé
Que tout peut s’arrêter
Du jour au lendemain)

Sans m’être jamais vraiment intéressée à la psychogénéalogie, toutes ces émotions inscrites dans nos gênes, “héritées” des vies difficiles de nos ancêtres, ça me parle beaucoup.

Mais j’aime aussi beaucoup l’arrangement de cette chanson : quatuor à cordes, guitare utilisée un peu comme un instrument traditionnel,type balalaïka; instrument à anche double dont j’ignore le nom, sans doute un instrument arménien, et, presque imperceptible, un chœur. On ne découvre sa présence que sur le dernier couplet, quand il reste seul à accompagner la voix du chanteur, sur les paroles “je ne parle pas d’un pays, mais de toutes les Arménie, quand s’ajoute à la blessure l’insoutenable injure des morts que l’on renie.”

À l’heure où l’on reparle pour la énième fois d’une éventuelle reconnaissance du génocide arménien, cette chanson nous rappelle qu’au delà des enjeux politiques et économiques, il s’agit avant tout d’histoires individuelles, qui ont marqué ceux qui les ont vécus, mais aussi leurs enfants, petits-enfants, arrière-petits-enfants…

Vincent Baguian dit regretter de ne pas parler l’arménien, la langue de ses parents, qu’ils n’ont pas voulu lui transmettre; mais il chante parfois (sur scène) cette chanson en duo avec une jeune femme qui chante en arménien : Diane Minassian.

Categorie : la chanson du jour
Par mes vies
Le 19 décembre 2011
A 13:55
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chansons

De tous les genres musicaux, et artistiques, celui qui me touche le plus, c’est la chanson. Je suis toujours béate d’admiration devant ceux qui, en trois minutes, sont capables d’installer un univers, de raconter une histoire, de vous fredonner une mélodie qui vous restera en tête.

La chanson, c’est la quintessence de tout ce que j’aime, un condensé, une huile essentielle en somme. D’abord, un texte: une bonne chanson (ou même une chanson “moyenne”) est capable de vous raconter en 4 couplets et un refrain une vie entière, ou une tranche de vie, de vous emporter là où vous n’êtes jamais allé, ou, au contraire, de mettre les mots précis sur une émotion ou une expérience qui vous semble n’appartenir qu’à vous…

Ce texte, à côté duquel vous passeriez peut-être s’il était un parmi d’autres dans un recueil de poèmes, est porté par une mélodie, et chaque syllabe vous va droit au cœur, portée par la “bonne” note.

Pour que l’alchimie fonctionne parfaitement, il faut aussi une voix, une voix de préférence pas trop puissante, pas trop lyrique, très expressive, mais qui vous parait “naturelle”.

La “bonne” chanson, elle coule toute seule, et quand on l’entend, on se demande comment il est possible qu’un(e) autre l’aie “trouvée”, et pas vous. Alors qu’à l’évidence, elle parle de vous. Elle ne parle que de vous. Ne parle qu’à vous.

Ou elle décrit une situation que vous voyez tous les jours, et qui, d’un coup, à l’audition de la chanson en question, prend sens, prend “chair”.

J’ai une admiration illimitée pour les auteurs compositeurs qui parviennent à créer ces petits miracles… Et spécialement pour ceux qui renouvellent l’opération à l’envie.

Je prenais conscience de ça encore une fois, ce matin, en écoutant pour la première fois depuis bien longtemps peut-être mon album de chanson préféré (oui je sais, j’ai 7 ou 8 albums préférés… ça change au gré de mon humeur) : épures, de William Sheller. Une voix, sans artifice, une voix dont on se dit qu’on “pourrait chanter comme ça”, en l’entendant. Des textes poétiques, ciselés, pleins de nostalgie, de mélancolie, qui tournent tous autour du thème le plus rebattu du monde (l’amour perdu). Et un seul instrument, le piano. Dont les harmonies m’ensorcèlent, littéralement.

[et là, depuis cinq minutes je m’interroge : quelle est ma chanson préférée de cet album ? impossible de vraiment faire un choix… Peut-être revenir bientôt ? avec son intro chromatique au piano, sa deuxième voix à la tierce, ultra traditionnelle mais ô combien efficace, et, toujours chez Sheller, la poésie du texte :

“Etait-ce utile de rester davantage
Fallait-il se dire à tantôt ?
Je vais reprendre un déjà bien long voyage
Dont je ne pense pas revenir bientôt

Si d’aventure j’ai laissé quelques traces
Elles s’en iront comme tout là-haut
Les longs traits blancs derrière les avions qui passent
Oh je ne pense pas revenir bientôt” ]

Même des chansons très populaires, qui jouent sur des ressorts musicaux et poétiques un peu “faciles”, peuvent avoir un pouvoir d’évocation très fort… Je pense à certaines chansons de Goldman, dont je n’ai jamais été très fan (contrairement à GérardKlein), mais à qui je reconnais un sens de la formule, de l’image, et de la mélodie pour le moins très efficaces.

Par exemple, la vie par procuration, qui nous dresse en quatre vers un portrait juste et sensible, et qui me revient toujours à l’esprit quand je croise certaines silhouettes, ou que de ma chambre j’aperçois les immeubles du quartier… “Elle met du vieux pain sur son balcon, pour attirer les moineaux les pigeons. Elle vit sa vie par procuration, devant son poster de télévision”. Encore une fois, la musique est indispensable, qui nous projette par son rythme lancinant dans cette vie sans relief…

Des chansons qui nous touchent, il y en a des centaines. Pour ma part, j’en trouve chez presque chaque chanteur, même ceux qui (par ailleurs) m’exaspèrent, même ceux qui produisent 99% de soupe, chez les chanteurs commerciaux, chez les chanteurs intellos… La liste des chansons que j’aime est tout simplement interminable je crois.

Et quand j’aime une chanson, (ou un chanteur), je n’ai qu’une envie : la faire aimer à tout le monde. Cette (longue, bien sûr…) introduction afin d’ouvrir une nouvelle catégorie, dans laquelle j’ai envie de parler des chansons que j’aime.

Et pour commencer, j’avais envie d’évoquer tout un album, de Bénabar, un album sans titre (sans autre titre que le nom du chanteur, en fait), paru en 2001.

Sur cet album, 12 chansons, petits textes inspirés du quotidien et accompagnés de cuivres, d’un piano, de quelques percussions…

“bon anniversaire”, et “y’a une fille qu’habite chez moi”, d’abord, qui évoquent le passage à l’âge adulte, la charnière entre l’adolescence qui traine en longueur et le moment où on commence à vivre comme un adulte, sans avoir vraiment l’impression d’en être un…

“vélo”, petite chanson sur un enfant qui essaie d’apprendre à faire du vélo sans petites roulettes. Une petite chanson qui n’a l’ai de rien, mais dont l’accompagnement pourvu uniquement par le piano et la contrebasse, vaut l’écoute à lui seul.

Et (pour moi) la plus belle et la plus intéressante : Majorette.

D’abord, c’est une chanson à trois temps. Et c’est assez rare pour être souligné. (99% des chansons sont à quatre temps. Oui, ce soir, je suis à fond dans les pourcentages.)

C’est un musicien de la fanfare qui parle, qui nous décrit un défilé dans le village, avec les majorettes. Ce musicien est un peu l’idiot du village, mais il est amoureux de la plus jolie des majorettes, qui ne lui accorde pas un regard, puisqu’elle est fiancée à un militaire, qui a un “vrai” uniforme, “un de l’armée de l’air”. Celui qui parle aurait bien voulu en porter un, lui aussi, mais “la patrie et Nadège, elles veulent pas de moi”.

On y entend au début, la fanfare jouer une musique gaie et entrainante; puis, lorsqu’on découvre la “vérité” sur le pauvre amoureux transi, la musique cesse, la brusque rupture de rythme est là pour accentuer le côté pathétique du texte. La dernière partie de la chanson nous montre le “délire” de l’idiot, qui se rêve d’abord marié avec Nadège, mais devant l’impossibilité de cette union, finit par souhaiter de tout gâcher : “j’voudrais tous qu’ils crèvent, avec leurs vrais uniformes… j’vais faire des fausses notes, j’suis bon à rien, la preuve : j’ramasse les feuilles mortes…”, le tout sur une valse qui accélère jusqu’à devenir endiablée.

Ici on trouve vraiment tous les ingrédients qui m’intéressent dans une chanson, un texte très simple mais si imagé qu’ils nous plonge au cœur de la psyché de ce pauvre “bon à rien”, rejeté et moqué par les enfants et les jolies filles; et un accompagnement musical parfait, original (pas la touche “disco” du Bontempi, quoi…) et qui, sans qu’on s’en rende compte à la première écoute, nous guide, nous conduit à travers les émotions.

Categorie : musique, la chanson du jour
Par mes vies
Le 9 décembre 2011
A 21:06
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