Milan & moi
Milan (Kundera, pour les non-intimes) et moi c’est une vieille, vieille histoire. Je devais avoir 16 ans quand j’ai lu pour la première fois L’insoutenable légèreté de l’être… Et la même année, j’ai enchaîné tous ses romans “tchèques”, la valse aux adieux, le livre du rire et de l’oubli, la vie est ailleurs (mon favori), la plaisanterie, risibles amours…. Un peu plus tard, en entrant à la fac, j’ai découvert l’art du roman et les testaments trahis, qui m’ont accompagnée pendant longtemps, mille fois relus, annotés, cornés… Son analyse de Jenufa de Janacek m’a appris bien plus sur cette œuvre majeure du XXème siècle que le cours inconsistant d’un chargé de cours inconsistant dont je ne me souviens que du pull rentré dans le pantalon et d’une faute de français qu’il répétait à longueur de cours : “c’est le moindre qu’on puisse dire”…
Alors quand j’ai vu que Milan entrait, de son vivant, dans la pléïade, j’ai su que ce serait mon cadeau de Noël. Mais qui dit 2 volumes de la Pléïade à Noël, dit, c’est obligé, l’agenda. J’ai eu, une année, l’agenda Pléïade (l’année où mon cadeau de Noël c’était l’histoire de la musique, par Romain Rolland.) J’avais vécu une merveilleuse année de luxe et de volupté, chaque fois que je dégainais le dit agenda pour y noter un rendez-vous ou une répétition…
Donc, mandatée par le Père Noël himself, j’ai entrepris de faire le tour des librairies et (surtout) des marchands de livre de la ville, afin d’entrer en possession des très convoités volumes. Première librairie, la “vraie” librairie : “Ha non, on n’a pas les agendas, parce qu’on ne vend pas assez de Pléïade, c’est qu’on les paie, nous, les agendas, voyez…”
“Gklmjmdff”. (et en moi-même : “Ben banane, déjà, t’en aurais vendu deux de plus SI t’avais les agendas !!!”). Direction donc le marchand de livre du centre-ville ( Le “centre culturel” (huhuhu) Leclerc, pour ne pas le citer). “Coune des rats ? Heu… Non… mais… (interrogation fébrile du logiciel, puis visage qui s’illumine) Je peux vous les commander, si vous voulez !”. ” Gklmjmdff Gklmjmdff”. (et en moi-même : ben merci mais non merci ! quitte à commander, je suis assez grande pour aller sur amazon toute seule, et ça arrivera directement dans ma boîte aux lettres !).
Pas découragée, je me rends cette fois-ci chez le marchand de livres “grande surface culturelle” (re-huhuhu, quand j’entends le mot culture ainsi dévoyé j’ai très envie de sortir ma mitraillette comme disait l’autre) à la sortie de la ville.
“Kundera ? Mais bien sûr, tous les Pléïade sont là !” (vague signe en direction d’un sombre recoin, tout en haut duquel j’aperçois une pauvre rangée de Pléïade. Il va me falloir un escabeau, mais qu’importe !). “Les agendas ? Ah non, on ne fait pas les agendas ici, Gallimard ne nous les envoie pas !” (Ben t’es con Gaston ??? Pourquoi qu’t'envoies pas les agendas aux pauvres nazairiens innocents ? Ils sont pas assez bien pour toi ou quoi ????)
“Gklmjmdff Gklmjmdff Gklmjmdff”.
Du coup ayant épuisé tous mes jockers, je me suis résolue à appeler ma sœur, qui vit à la grande ville, où on trouve tout plein de librairies avec tout plein d’agendas pléïade dedans.
Moi, vous êtes témoins, (que rien), je fais des efforts pour soutenir la vie économique de ma ville, hein. Mais bon, à part des bateaux et des éoliennes, on peut acheter quoi, ici, sans être obligé de commander ou d’aller à 60 km ???