mes vies

blog multidirectionnel : mes vies de mère, de prof, de musicienne, de lectrice, de promeneuse, de dilettante en tout et spécialiste en rien… Et même mes vies de cuisinière, couturière et tricoteuse !

 

il en rentre plus qu’il n’en sort…

(je parle encore de livres, là).

Des livres, des livres, qui entrent chez moi comme dans un moulin, prennent leurs aises, s’installent sur mes étagères, sur ma table de nuit, sur l’étagère “spéciale”, sur mon bureau, selon un savant ordonnancement qui me parait limpide au moment où je choisis la place du livre en question, mais très obscur quelques semaines ou mois plus tard, quand je retourne la maison à la recherche de ce foutu bouquin, mais pourtant il est bien quelque part, j’ai l’anosognosie ou quoi ?

Je lutte pourtant contre les envahisseurs. Je lutte vraiment.

Quand j’étais petite, Adam, avec sa barbe fleurie et son accent polonais à couper au couteau, racontait toujours l’histoire de son directeur de thèse. C’était un vieux monsieur, qui passait sa vie dans les livres. On l’avait convaincu, pour son dos, ses articulations, que sais-je ? d’investir dans un matelas à eau, un de ces matelas qui coutent une fortune et s’adaptent parfaitement à la forme de la personne qui dort dessus. Mais chaque soir, il ouvrait un livre, et le reposait dans son lit, avant de dormir. Tant et si bien qu’un beau jour, sa fille s’est aperçue qu’il dormait sur le tapis, faute de place sur son matelas. Les livres avaient tout envahi.

Je ne veux pas finir comme ça, moi. Pas tout de suite en tout cas. C’est pourquoi j’essaie, j’essaie vraiment de limiter le nombre de livres qui entrent dans la maison.

De temps en temps, j’inspecte aussi d’un œil sévère les volumes qui vivent chez moi depuis plusieurs années. Ai-je l’intention de les relire ? Ai-je besoin de les posséder ? Ai-je du plaisir à les posséder ? Est-ce que je les ferais lire à mes enfants, est-ce que je les prêterais à mes amis ?  Si aucune de ces question n’a de réponse positive, hop, dehors. Le secours populaire n’est pas du tout regardant, ils prennent tout ce qu’on veut bien leur donner. Le bouquiniste est une bonne option : certes, il ne prend pas tout et n’importe quoi, mais il paye en nature. (enfin, en avoir dans sa boutique, quoi.)

Le vide-grenier du mois de juin a permis de se débarrasser de quelques volumes encombrants, aussi.

Mais quoi que je fasse, les livres continuent d’entrer. Plus vite que je ne peux les lire. Bien plus vite que je ne peux les vendre ou les donner…

Rien qu’aujourd’hui, tenez : en cherchant Blonde, de Joyce Carole Oates, dans la bibliothèque de mes parents, j’ai mis la main sur 6 ou 7 livres “à moi”, datant de mes années lycées; et j’ai également emprunté Le Grand Meaulnes et Dans la guerre, que je projette de lire (ou de relire, pour Alain-Fournier) prochainement.  Du coup, crise (trimestrielle) de culpabilisation livresque, j’ai fait une bonne pile avec la plupart des Nothomb, le Pancol acheté un jour de faiblesse, un Stephen King que non, décidément, je ne lirai jamais, et quelques autres poches en double, et j’ai foncé chez le bouquiniste… D’où je suis repartie, ayant dû rajouter encore quelques piécettes à l’avoir obtenu. Avec Tout ce que j’aimais, de Siri Hutrucmuche, (la femme de Paul Auster. À mon humble avis elle devrait prendre le nom de son mari, au lieu de se coltiner son blase imbitable plein de consonnes que je suis bien en peine de mémoriser, à part les deux première lettres, nécessaires à retrouver ses ouvrages dans les rayons d’une librairie). Au départ, je cherchais son dernier opus,Un été sans les hommes, qui me tente grandement, mais que le bouquiniste avait justement vendu dans le courant du mois.

Et j’ai mis aussi la main sur un roman dont mon directeur de thèse à moi (qui n’était pas du genre à dormir par terre faute de savoir où ranger ses livres, un type plutôt très pragmatique, puits de science, mais surtout capable de faire immédiatement la connexion entre six informations nouvelles et hétéroclites…) parlait souvent et nous avait chaudement recommandé, à l’époque : le Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes

Bref, pour résumer, aujourd’hui j’ai : acheté 2 livres, emprunté 3 livres, et récupéré 6 livres.

(c’est sûr un jour on me retrouvera au petit matin, roulée en boule sur le parquet.)

Categorie : livres
Par mes vies
Le 30 septembre 2011
A 19:52
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“Pourquoi lire les classiques ?”

(j’emprunte mon titre à Calvino, of course.)

Lire des classiques, donc. J’ai passé l’âge des lectures imposées, pourtant de grands classiques je continue d’en lire, et pas toujours pour de bonnes raisons. J’ai lu Saint-Simon parce que le titre choisit par l’auteur et le design de la couverture m’ont interpellée. J’ai lu Un Amour de Swann parce qu’il était publié chez Pointdeux et que je devais rentrer en train. Mais ce sont, peut-être, deux bonnes raisons ?

Il m’arrive encore, malgré mon (grand) âge de me dire “mais quelle honte, tu n’as jamais lu …” et même, récemment, j’ai fait une liste de dix grands classiques qui manquent à ma culture. Le premier d’entre eux, par hasard, se trouvait être “La Chartreuse de Parme“. J’avais lu “Le Rouge et le Noir” au lycée, j’en garde un souvenir confus, j’ai lu “Vie de Rossini” à la fac, dans le cadre d’un cours en maîtrise sur allez savoir quoi ??? avec un prof d’une érudition et d’une finesse intimidantes. Mais jamais la “Chartreuse“.
C’est GeorgeSand (je lis son blog. Si, si, GeorgeSand blogue…) qui a lancé (ou peut-être seulement relayé ?) l’idée d’une LC (pour les non initiés : une lecture commune) de la Chartreuse de Parme. Copie à rendre pour le 30 septembre.

J’ai donc avalé les 650 et quelques pages de mon édition en livre de poche en 2 jours et demi, au camping, en aout.

J’ai découvert un roman-fleuve du XIXème siècle,

où l’on trouverait peut-être la matière à 10 romans : le début, un peu confus et brouillon, l’entrée des troupes napoléoniennes à (Milan?) en 1796, le contexte historico-politique vaguement esquissé (difficile à saisir pour quelqu’un comme moi qui ignore à peu près tout de l’histoire de l’Italie, malgré 8 années d’italien, et de celle de Napoléon, sauf qu’il est mort à Ste Hélène (et que son fils Léon lui a crevé l’bidon.)

La jeunesse du héros, celle de sa tante la duchesse de Sanseverina ; et le premier « épisode » à proprement parler, là où on a vraiment la sensation de rentrer dans l’action : Fabrice qui part à Waterloo. Mais on sent bien que ce n’est qu’une péripétie « secondaire » dans la vie du héros : on le suit, incertain, hésitant, résolu à se battre, mais toujours semblant passer « entre les gouttes » du véritable combat, entre les boulets de canon, plutôt.

Puis, se noue réellement ce qui sera le cœur du roman : la duchesse de Sanseverina, séduite par le comte de Mosca, ministre et conseiller du Prince de Parme, décide de suivre son amant et de s’installer à la cour de Parme. Ensemble, ils décident pour Fabrice de le faire évêque. Pour cela, il devra étudier la théologie à Naples, et ensuite, intégrer la cour de Parme et gagner les faveurs de l’archevêque.

 

Ce qu’on ressent à la lecture : un foisonnement, un jaillissement d’actions, on est très très loin de la règle des trois unités. Le roman se déroule sur l’espace d’une vie, la vie entière de Fabrice del Dongo. Il est difficile d’en trouver l’unité, un thème central qui parcourrait l’œuvre d’un bout à l’autre.

 

Bien sûr, rétrospectivement, on aperçoit des « ponts » entre la première partie du roman et la suite ; Fabrice est très versé dans la recherche de « signes » du destin, il a été éduqué par un prêtre, féru d’astrologie, qui prédit d’ailleurs la vie de Fabrice avec beaucoup d’exactitude, sans pour autant que ce dernier puisse éviter les ornières qui lui sont pourtant prédites. Et de même, au début du roman, à Waterloo, trouve-t-il un certain « signe » qui court tout le long du roman, et qui nous amène à la situation « centrale » de l’œuvre.

 

Ensuite, si Fabrice est couramment désigné comme « le héros » par Stendhal lui-même, on peut penser que le personnage central du roman c’est plutôt sa tante, la duchesse de Sanseverina. En effet, c’est elle qui vient en aide à Fabrice, elle qui, par son intérêt, puis son amour pour son neveu, le conduit à Parme où se scelle son destin. Elle est d’ailleurs un personnage des plus passionnants, et sa personnalité, ainsi que sa vie, en font le personnage le plus intéressant du livre à mon sens, le plus riche, le plus vivant, celui à la personnalité la plus « réaliste ». Quand au personnage le plus attachant, c’est pour moi l’amant de cette duchesse, le comte Mosca, dont l’amour se manifeste de façon bien plus plaisante que celui de Fabrice (à mon humble avis. Fabrice pleure toutes les larmes de son corps toutes les 5 minutes, ça va bien un peu, mais moi c’est pas mon truc!)

 

Le troisième « axe » central du roman, c’est peut-être la politique, la vie politique italienne. Le roman débute avec les allers et retours de Napoléon, qui entraîne avec lui un flux et un reflux de l’influence des libéraux italiens, partisans de l’unité du pays. (unité qui se fera presque un siècle plus tard, au temps de Verdi et de Vittorio-Emanuele, ça c’est la partie de l’histoire italienne qu’on apprend en cours de langue.)

La vie politique à la cour de Parme, où se situe toute la seconde partie du roman, est elle aussi amplement traitée : on y découvre un Prince qui a lu et relu Saint-Simon (et du coup, comme ma propre lecture du mémorialiste est toute fraîche, j’ai vraiment goutté toutes les allusions et les citations de Stendhal, qui connaît apparemment les « mémoires » sur le bout des doigts.), et qui, à l’image de Louis XIV dont il a un portrait dans son bureau, attache une importance démesurée à des « riens », comme l’usage d’un tabouret, d’une chaise ou d’un fauteuil selon son rang, le port du « grand habit de cour » en sa présence, etc…

 

Donc, toutes les intrigues de cour, qui se superposent et se tissent avec les intrigues réellement politique, issues de l’opposition entre un parti « libéral » et un parti conservateur, au sein duquel coexistent une branche « dure » et une branche plus souple représentée par le comte Mosca, qui se vante d’avoir vidé les prisons de Parme…

 

 

 

BREF :

 

  • j’ai aimé : la vie de la cour de Parme, le ton très enlevé et parfois humouristique sur lequel Stendhal nous montre les travers de ses personnages, la sagesse du comte Mosca, et la description des paysages italiens : lac de côme, Parme, Milan, etc…
  • J’ai moins aimé, voire pas aimé du tout : la dispersion de l’intrigue (d’ailleurs on ne peut pas parler de l’intrigue du roman, on ne peut pas le résumer…), le côté trop romantique du personnage principal : Fabrice pleure comme je l’ai dit pour tout et rien, l’objet de son amour est une petite bécasse à qui on foutrait des baffes, on peut dire que je ne me suis pas attachée aux personnages principaux !

 

Mais ce dont je voulais surtout parler, plus que de ma lecture du roman elle-même, c’est de l’édition. J’ai donc acheté ce livre de poche :
parce qu’il m’est tombé sous la main à la FNAC de Perpignan, et qu’à 5,50 euros les 650 pages ça fait pas cher du papier. C’est l’édition “revue sur texte original, annotée et présentée” par un certain Michel Crouzet. Et bien moi, ce monsieur, il m’a gâchée ma lecture. Voui.

—————————————–ATTENTION : dans mon “résumé” et mes impressions de lectures, j’ai fait bien attention de ne pas dévoiler l’intrigue au-delà des 150 premières pages. Parce qu’on a beau lire un “monument” de la littérature française, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un roman, plein de rebondissement, et qu’à mon avis, les connaitre à l’avance nuit gravement à la première lecture. En revanche, ci-dessous, je balance tout. Donc, si vous continuez de lire ET que vous n’avez jamais lu la Chartreuse de Parme, ne venez pas vous plaindre, je vous aurais prévenus, MOI —————————-

 

 

 

Bien, nous sommes donc entre “Happy Fews”, je continue. M. Crouzet, donc, publie une ample préface au roman. Comme j’avais du temps, et l’envie de vraiment rentrer dans le roman, je décide de lire la préface. J’ai (bêtement) supposé qu’étant placée AVANT le roman, elle ne serait qu’une présentation, du contexte, peut-être du roman lui-même, mais à grand traits, sans dévoiler toute l’intrigue… Sinon, ai-je (toujours bêtement) pensé, M. Crouzet placerait son texte à la FIN du roman (là où se trouve les presque 100 pages d’annexes…)

M. Crouzet nous explique, p. VIII de sa préface, que “La Chartreuse demande une lecture naïve, un premier degré de lecture qui adhère fortement au romanesque, et inspire en même temps un irrespect total et pour tout”. Bon, l’histoire de l’irrespect, je sais pas trop de quoi il parle, mais la lecture naïve, premier degré, qui adhère au romanesque, je prends !! c’est tout moi, ça.

Et donc je continue ma lecture (naïve) de la préface, et BAM !! voilà ti pas que j’apprends TOUT de l’intrigue : la prison, Clélia… tout !!!

Il dévoile tous les “signes” de la (très longue) première partie qui vont amener, annoncer, des évènements de la deuxième partie… Du coup, ma lecture naïve, je pouvais me la mettre où je pense ! En rencontrant Clélia et son père pour la première fois, j’étais censée IGNORER que Fabrice était appelé à l’aimer ! En visitant Parme pour la première fois, j’étais censée IGNORER que la tour Farnèse allait être la prison de Fabrice pendant des années !!

 Alors bien sûr, A POSTERIORI, tous les liens, tous les signes, font sens. Mais à la première lecture, quel besoin avais-je qu’on vienne ainsi me mettre À L’AVANCE les points sur les i ???

 

J’ai lu ce livre, comme quand on voit pour la première fois un film avec quelqu’un qui le connait par cœur et ne peut s’empêcher de vous livrer les répliques une secondes avant que l’acteur ne les prononce. Avec une envie de meurtre.

 

D’autant plus que le volume est bourré, à chaque page, de notes de bas de pages. Certaines de ces notes sont vraiment pertinentes pour le lecteur naïf : elles donnent des indications sur le contexte, sur la vie de Stendhal lui-même… Mais d’autres sont d’abominables spoilers ! Et comme je suis INCAPABLE de m’empêcher de lire les notes de bas de page, et bien le peu de suspens qui demeurait après ma lecture du début de la préface (oui, parce que je ne l’ai pas lue en entier, hein !! Quand j’ai compris qu’il balançait tout, j’ai arrêté…), m’a été ruiné par les notes de bas de pages.

 

Bon, j’avais encore plein de choses à dire à propos de cette lecture de la Chartreuse, mais vu la longueur de ce billet, il faut m’arrêter là pour épargner mon pauvre lectorat qui a surement bien mieux à faire…  Je conclurai donc en me faisant la promesse désormais de lire mes classiques en FOLIO, (où il me semble que les notes sont reportées à la fin du texte), de ne plus lire les préfaces avant les romans mais APRÈS (et si j’avais procédé ainsi je n’aurais jamais réussi à lire “Le Bruit et la Fureur”, chez Folio justement voilà l’exemple type d’une préface indispensable) et de me méfier plus encore des vieux universitaires érudits peine-à-jouir.  (Si, faisant une recherche Google sur son nom, M. Crozet arrive sur ce blog, il va mettre un contrat sur ma tête. J’m'en fous, j’dis c’que j’pense.)

 

 

 

 

Categorie : livres
Par mes vies
Le
A 8:43
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corners of my home

Quatre mois après l’emménagement, on peut vraiment dire que la maison a plus ou moins atteint un état satisfaisant. La grande majorité des cartons a été déballée, et le contenu rangé dans les meubles, placards, pièces prévues à cet effet. La salle de jeux est un immonde bordel, ce qui semble parfaitement convenir aux deux seules personnes qui acceptent d’y mettre les pieds. Le bureau est aussi un vaste chantier, trop de choses et pas assez de place… La bibliothèque, elle, est conforme à mes rêves, à une exception près : il y manque une méridienne bien confortable et accueillante, ainsi qu’une lampe pour les après-midis d’hiver.
Pour le reste, chambres, salle de bain, cuisine, séjour, salon, on peut dire que les choses sont à peu près à leur place. (le “à peu près” étant un état constant chez nous depuis… 15 ans ou presque, on va dire qu’il y a peu de chance que ça change).

Il y a quelques années, sur les blogs, fleurissaient les “corners of my home”, photos savamment cadrées et retouchées d’un petit coin particulièrement cosy de son salon. Je pourrais presque jouer : mon buffet en chataigner, amoureusement chiné au troc de l’isle, poncé, ciré; le châle ukrainien, les plantes en pot, le sténopé original…

… mais bon, faut être honnête. Ça n’est pas franchement représentatif de la maison. Parce que tous les cartons pas ouverts, pas déballés, tout le “à trier”, “à donner”, “à vendre”, tous les cartons qui n’ont pas non plus été ouverts dans notre précédente maison, tout ça, ça s’entasse dans la pièce que, par dérision, nous appelons “l’auditorium”. (parce qu’elle contient notre piano, et qu’à terme, ce sera la “salle de musique”, avec un plein mur de rayonnages pour y ranger enfin nos kilomètres linéaires de partitions…)
Donc, un petit aperçu de l’auditorium, dans la série “corners of my home” (et histoire de déculpabiliser totalement et pour toujours mon lectorat un poil bordélique…) :

Categorie : scène de la vie de famille
Par mes vies
Le 25 septembre 2011
A 16:24
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10 ans

10 ans.

Pourtant je n’ai pas entendu ce matin à la radio évoqué ce triste anniversaire. Il y a dix jours, tout france-inter s’installait à New York pour commémorer les attentats sur les tours. Se souviendra-t-on aujourd’hui qu’il y a dix ans, au sud de Toulouse, une explosion causait la mort de nombreuses personnes, paralysait la ville une journée entière, plongeait ses habitants dans la panique, le temps de comprendre ce qui s’était réellement passé ?

Que durant des mois, des années, les cicatrices seraient visibles, palpables, sur les façades des immeubles même loin du lieu précis de l’accident ?

Je me souviens de ce jour-là, je me souviens de l’état étrange dans lequel nous étions, abasourdis par ce qui venait de se passer à New York. Le souffle, le bruit de l’explosion, nous l’avons parfaitement senti à Blagnac où je travaillais à vendre de la création électroacoustique à des élites pas très intéressées. Trois dalles de polystyrènes sont tombées du faux-plafond, on s’est tous regardés, on a tous pensé “c’est une bombe”.  Alban est monté au plus haut du bâtiment, il voyait la fumée noire, là-bas, loin, de l’autre côté de la ville. Très vite les bruits ont couru, tous contradictoires. Une bombe, un accident, une explosion, plusieurs explosion… Nous avions trouvé une radio, les gens étaient tous dans les couloirs, inquiets, ignorants, spéculants… Je me souviens de cette femme qui pleurait parce que son mari travaillait là-bas, “à Lonia”. Je n’avais jamais entendu parler d’AZF, par contre je savais que tout le monde disait qu’un jour, “ça finirait par pêter, à Lonia”.

Je me souviens de la circulation qui était entièrement coupée, des messages à la radio contradictoires sur la présence ou non d’un gaz toxique, sur la nécessité ou non de se confiner.

Je me souviens que nous sommes tout de même parti à pied, Fred avait laissé son camion à Blagnac. Nous habitions dans le centre ville, on voulait juste rentrer chez nous. Quitte à attendre sans rien savoir, au moins que ce soit chez nous. Nous avons marché environ deux heures dans les rues désertes, longé la Garonne, pris des chemins que je ne connaissais pas.

J’ai retrouvé GérardKlein (qui n’était pas encore un GérardKlein à l’époque) et ma sœur en visite à Toulouse, “confinés” au 11ème étage (ou peut-être était-ce le 13ème ?) de ce grand immeuble de brique rouge le long du canal. Nous n’avions aucune perte à déplorer, excepté la cafetière : l’explosion avait ouvert brusquement la fenêtre de la cuisine et l’avait projetée sur le sol.

Une de mes amies a vécu six mois avec des cartons en guise de carreaux de fenêtre, le temps que l’assurance accepte enfin de payer. Toute la ville a longuement porté les stigmates de ce jour-là, les préfabriqués sont devenus le lot quotidien de bien des gens, au travail, à la fac, à l’école, et pour certains, en guise de maison… Je me souviens de ce terrain vague, soudain transformé en sorte de “camping” de luxe avec des dizaines de mobil-home, sur la route qui nous menait à la chorale…

Dix ans après, ce qu’il en reste, c’est le souvenir de cette peur qui nous a saisie à la gorge, à l’instant où nous avons entendu et senti l’explosion. Cette panique moite, cette main qui nous broyait l’estomac et nous coupait les jambes. Que se passe-t-il ? Que va-t-il nous arriver ? Et puis ces premières heures où le téléphone ne fonctionnait pas, où il nous était impossible de joindre nos proches pour les rassurer, pour nous rassurer…

La peur. Et ensuite seulement la compassion, pour ceux qui étaient là, tout près, trop près. Ceux qui passaient par là, à la mauvaise heure au mauvais endroit.

Les morts, les blessés, ceux qui ont perdu leur maison, leur lieu de travail.

Je me souviens.

Categorie : moi
Par mes vies
Le 21 septembre 2011
A 10:53
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Il y a mille ans, au siècle dernier, j’ai vu un film. “Rouge”, de Kieślowski. (je devais avoir 16 ans, si je me fie à la date de sortie annoncée par Wikipédia ?). Je ne l’ai vu qu’une seule fois, au cinéma; jamais depuis. Il y avait une phrase, dedans, prononcée par Irène Jacob. Elle dit à son amant “Si je n’étais pas descendue, à la pause, ce soir-là, on ne se serait jamais connu.” (je cite de mémoire, donc ce n’était probablement pas exactement ça.)

C’est une phrase qui a fait écho en moi très puissamment. Comment connait-on les gens ? Comment rencontre-t-on telle personne qui prend une importance capitale dans notre vie ? Quelle part de hasard ou de destinée à ces rencontres, tantôt inévitables, tantôt improbables ?

Il y a quelques mois, on me parlait d’une jeune écrivain française, d’origine vietnamienne. Je ne sais pourquoi ni comment, ce qu’on m’en dit ce jour là attisa ma curiosité… Son parcours, sa façon de s’exprimer, sa personnalité, plus en réalité que son œuvre : je devinais que ses livres me parleraient, sans vraiment savoir pourquoi.

Et puis  je l’aurais sans doute oubliée, mais dans le supplément “lectures d’été” de Marianne et du Magazine Littéraire, elle signait un court article sur un roman de Murakami, “Au sud de la frontière, à l’ouest du soleil”. Je n’avais absolument rien lu ni d’elle ni de Murakami, mais ce qu’elle en disait me donnait irrésistiblement envie de les lire tous les deux.

J’ai commencé par son premier roman à elle, publié chez Actes Sud. En fait, j’ai failli ne pas le trouver dans les rayonnages de la librairie, ne sachant pas si je devais chercher à T (comme Tran) ou à H comme Huy ?

Il s’agit d’un roman à la première personne. La narratrice, double de l’auteur, est une adolescente française d’origine vietnamienne, élève brillante, ayant parfaitement assimilé ses deux cultures. Elle rencontre “par hasard” un jeune vietnamien de son âge, arrivé en France récemment, seul avec son frère. Les points communs et les dissemblances entre ces deux jeunes gens, le mystère dont est nimbée l’existence du jeune homme, et surtout la relation ambiguë, ni vraiment fraternelle ni vraiment amoureuse qui se tisse entre les deux jeunes gens est au centre du récit.

L’écriture est très légèrement désuète, un peu précieuse; elle place l’histoire dans une sorte de brume ou de distance. On n’y trouve jamais aucun effet de style visant à traduire un langage parlé, les phrases sont plutôt longues, pas proustiennes, mais incontestablement travaillée, musicales.

Lorsque quelques semaines plus tard j’ai lu le livre de Murakami dont Minh Tran Huy dit qu’il a été une révélation, un choc lorsqu’elle l’a découvert, j’ai compris la filiation entre les deux.

Là encore, le style est très légèrement décalé par rapport à la plupart des romans français contemporains. Peut-être cela tient-il à la traduction du japonais ?

Il s’agit, comme chez Minh Tran Huy, d’une relation entre un homme et une femme. Hajime, le narrateur, rencontre Shimamoto-sans à l’école, mais leur lien est extrêmement fort, fait de musique écoutée ensemble, de sentiments forts et profonds mais jamais traduits en mots ni même en gestes.

Un déménagement sépare les deux enfants, mais tout au long de sa vie, Hajime continue d’être “habité”, comme hanté, par la présence de Shimamoto-san. On suit son parcours, amoureux et professionnel; sa vie peut sembler parfaitement accomplie lorsque, marié et père de deux enfants, il mène une carrière prospère de patron de boîtes de jazz. Pourtant, Shimamoto-san reste la “chimère manquante à sa vie”, celle qu’il croit reconnaitre et suit dans les rues, celle à qui il ne cesse de penser.

Là encore, le narrateur est confronté à de nombreuses part d’ombre et de mystère qui entourent l’existence de son amie. Là encore, la pudeur de l’expression des sentiments est contredite par la place que prend la personne aimée, même dans l’absence.

Pourquoi ces deux courts romans m’ont-ils tant parlé, tant touchée ?

Je pense que l’explication tient dans la dernière phrase du roman de Minh Tran Huy :

“Dans la vie, on croise des gens précieux, qu’on voudrait garder toujours auprès de soi, mais qui, pour des raisons qui ne tiennent ni à eux, ni à nous, sont forcés de s’en aller. (…) Il m’est arrivé de chérir profondément des êtres que j’ai perdus, et c’est peut-être pour cela qu’on écrit, pour les retrouver et cheminer l’espace d’un instant, à leurs côtés. Comme si rien n’avait changé.”

Categorie : livres
Par mes vies
Le 17 septembre 2011
A 11:04
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bien formuler ses questions

Moi - “Les enfants ! Qui a fait tomber un rouleau de papier toilette dans les toilettes ??”

eux, en chœur - “c’est pas moi !”

Je m’étonne, je répète la question, j’obtiens la même réponse.

Éléa, souhaitant visiblement m’aider à résoudre ce mystère - “je crois qu’il est tombé tout seul”.

Moi  -  “c’est fort possible, mais je doute par contre qu’il soit ressortit tout seul de la cuvette”, puis, touchée par la grâce, je comprends enfin que je pose la mauvaise question depuis le début. Je me reprends : “Je voudrais savoir qui a RÉCUPÉRÉ le rouleau dans les toilettes (et l’a reposé à sa place au lieu d’aller le mettre à la poubelle, provoquant par là même une mauvaise surprise à l’utilisateur suivant -moi, bien sûr.)”

Éléa, toute contente - “Ah, ben, c’est moi !!”. Grand sourire.

Donc voilà, suffisait de demander. (Je n’ai pas, par contre, demandé à QUEL moment, avant ou après son pipi, elle avait repêché le rouleau.  Je préfère continuer d’ignorer les détails. J’ai juste expliqué qu’un rouleau mouillé était fichu pour toujours, et que donc, on pouvait le mettre à la poubelle. Directement.)

Categorie : scène de la vie de famille
Par mes vies
Le 14 septembre 2011
A 15:08
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L’ami Lamy

(pardon pour l’exécrable jeu de mot du titre, j’ai pas pu résister.)

Donc, mon petit violon a regagné mes pénates, après un peu de colle, un bon coup de popote de luthier, et un bon réglage des chevilles. J’ai aussi investi dans une boîte digne de ce nom (c’est à dire qui ne soit pas bouffée par les vers, comme la boîte originelle).

J’en ai appris un peu plus sur ce violon : c’est un “medio fino”, sortit des ateliers de Thibouville-Lamy à Mirecourt en 1880.

“medio fino”, c’est un joli nom italien qui signifie “mi-fin”. Un peu comme pour les haricots verts, il y a les extra-fins, les mi-fins…

Ces violons étaient destinés au plus grand nombre, c’étaient donc des violons “pas chers”. Pour “rogner” un peu sur le coût de fabrication, les filets étaient gravés et non incrustés (comme je l’avais remarqué au premier coup d’œil sans savoir ce que ça voulait dire), et le bois choisit était un bon bois, séché dans les règles de l’art, mais qui n’était pas “ondé”, donc moins joli à regarder, ou dont les veines n’étaient pas régulières (idem, le seul inconvénient est esthétique).

Certains de ces medio fino étaient “moulés” à la vapeur; mais pas le mien, il a bel et bien été fait main, par l’un des apprentis de Lamy.

La mentonnière qui était montée dessus était aussi d’origine, selon le luthier.

J’ai donc pieusement conservé la boîte en bois, peinte en noir, la mentonnière (l’ergonomie n’avait sans doute pas été inventée en 1880), et les cordes en boyaux avec leurs emballage en papier cristal, et j’ai placé mon violon dans sa boîte neuve, avec son archet neuf et sa mentonnière neuve.

Comme j’essayais les mentonnières, le mari du luthier (qui est une luthière mais ça m’écorche un peu de l’écrire…) s’est approché. “Il sonne bien, ce petit medio fino”, a-t-il eu le courage de dire. Je lui ai fait remarquer qu’il était bien gentil de le dire; mais c’est vrai, il “sonne bien”, je m’en aperçois, et un luthier dont l’oreille est exercée à écouter la “forme” générale d’un son de violon, abstraction faite de la justesse et de tout ce qu’on peut imputer au violoniste, s’en aperçoit du premier coup…

Un bon moment, dans cet atelier chaleureux, à évoquer nos vieux souvenirs (j’y ai “travaillé” une semaine en 1994, j’ai fréquenté le collège de leurs enfants, et le mari a même passé le même bac que moi dans le même lycée avec la même prof de musique, adorable Mme Nicolle…)

Bon, maintenant, y’a plus qu’à !

Categorie : moi
Par mes vies
Le 1 septembre 2011
A 18:31
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