mes vies

blog multidirectionnel : mes vies de mère, de prof, de musicienne, de lectrice, de promeneuse, de dilettante en tout et spécialiste en rien… Et même mes vies de cuisinière, couturière et tricoteuse !

 

Tu te méfieras

Tu te méfieras, quand tu feras passer l’oral de l’option musique au bac. Tu te méfieras, parce que dans la partie “pratique musicale” tu entendras vraiment de tout. Le guitariste qui joue, tout seul, sans batteur, sans chanteur, la partie de guitare de “Still Loving You”, choix curieux… Ou ce contrebassiste qui joue, tout seul là encore, en pizz et assez mollement, la mélodie du “jazz et la java”. Nougamou…

Tu te méfieras, parce que tu entendras des élèves chanter un peu faux, ou chanter pas assez; tu te méfieras parce que le piano du la salle de musique est redoutable, tellement sonore qu’il décoiffe, et que du coup toutes les notes se brouillent, la “valse d’Amélie” ressemble un peu à un cluster géant.

Tu te méfieras, parce que parfois tu entendras des choses pas mal. Voire même très bien. Cette sonate piano-violoncelle parfaitement menée, ce clarinettiste qui joue un morceau de Bratsch qui donne envie de danser.

Tu te méfieras, surtout, quand tu verras entrer ces deux petits élèves, là, qui n’ont l’air que de deux lycéens ordinaire. Une fille pas très grande, à l’allure banale; un gars avec une guitare bon marché et une chemise bien repassée - c’est le bac, quand même. Ils annoncent ce qu’ils vont chanter et tu ne comprendras pas le nom du groupe, au départ. La chanson s’appelle “petit bonhomme”, tu ne connais pas, ton cerveau ajoutera même “en mousse” au titre. (tu te méfieras de ton cerveau).

Au début, tu seras attentive, quelques accords tout simples à la guitare, et puis, tout de suite, la voix de la fille. Une voix qui t’attrape, te prend et ne te lâche pas. Une voix timbrée, douce, bien posée. Qui articule avec précision les paroles de la chanson.

Tu écouteras et tu articuleras un demi sourire, avant de commencer à comprendre. Tu ne souriras plus. La fille ferme les yeux, son copain le guitariste la rejoint à la tierce sur les refrains. Tu te méfieras, parce que la chair de poule commencera à monter.

Puis arriveront les derniers couplets, et le coup de grâce. Les larmes monteront aux yeux, alors tu tenteras de les cacher, parce que bon, le jury qui pleure, au bac, ça le fait pas, hein ? Mais les larmes ne voudront pas rester au bord des paupières. Tu commenceras à pleurer pour de bon, avec les larmes qui roulent sur la joue. Tu garderas la tête baissée jusqu’à la fin de la chanson, jusqu’à l’ultime coup de poignard.

Quelques secondes de silence, puis tu arriveras à bredouiller “merci beaucoup”, et les élèves s’en iront par la petite porte au fond de la salle.

Alors tu tourneras la tête et tu croiseras le regard de tes collègues : regards brillants, larmoyants, yeux rouges, et même la collègue qui tamponne avec son mouchoir le mascara qui dégouline.

… On se méfie jamais assez des petits lycéens qui ont l’air de petits lycéens. On se méfie jamais assez des petites chansons qui sont juste des petites chanson.

Categorie : la chanson du jour
Par mes vies
Le 31 mai 2018
A 16:03
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