mes vies

blog multidirectionnel : mes vies de mère, de prof, de musicienne, de lectrice, de promeneuse, de dilettante en tout et spécialiste en rien… Et même mes vies de cuisinière, couturière et tricoteuse !

 

La steppe est belle…

La steppe est belle...

…Aliosha Vladimir Fedorovitch Sergei Nikaolaïevitch Oulianov Stefanov Dimitri Kovechenko Alapine.

 

*********** fin du très court, très bête et très private joke entre moi et moi-même, prologue*****************

 

 Je viens de terminer la lecture de Limonov, le récit - le “roman”, comme c’est écrit sur la jaquette bleue des éditions POL- d’Emmanuel Carrère, et je ne parviens pas à rédiger un billet satisfaisant. (qui me satisfasse, en tout cas). J’ai adoré ce livre, mais je l’ai trouvé si dense, faisant écho en moi à tant de choses différentes, que j’ai du mal à synthétiser, à mettre l’accent sur un ou deux éléments… J’ai commencé et effacé déjà deux fois; je vois très bien ce qui moi me séduit infiniment dans la vie du “poète russe” et dans le récit qu’en fait Carrère, mais j’ai peur, en en faisant la liste, de décourager d’avance les potentiels lecteurs.

 

Lire Limonov sans rien connaître ou presque, sans rien avoir lu ou presque, de l’histoire de la littérature et de la politique Russe du siècle dernier, est-ce possible ?

 

C’est là toute la question. J’ai tendance à penser que oui : le style de Carrère, déjà présent dans d’autres vies que la mienne ou dans l’adversaire, son écriture presque journalistique (enfin si les journalistes écrivaient comme ça, ça se saurait…), documentée, précise, avec pourtant tant de retours sur lui, sa propre histoire, ses propres sentiments parfois ambigus sur les faits qu’il raconte, est un vrai régal. Carrère fait de la littérature, au vrai sens du terme, sans plus se préoccuper de fiction. Il enquête, il s’approprie une histoire jusqu’à se fondre en elle, jusqu’à ce qu’elle devienne une partie de sa propre histoire. Et il nous la raconte, ou plutôt il nous les raconte, telles qu’elles s’entremêlent : son enfance avec sa mère russologue, qui croise à quelques reprises les mêmes personnes, les mêmes lieux que le jeune Limonov; sa jeunesse, ses “aventures” à lui, qui lui semblent bien ternes quand il les compare à la vie qu’il est en train d’étudier et de nous raconter…

 

Mais moi, depuis mon adolescence matznévienne, tout ce qui touche, de près ou de loin, à la Russie, me fascine forcément. Et Matzneff, justement, Limonov l’a croisé, à Paris. C’est raconté dans le livre de Carrère, en deux ou trois lignes. Et il suffit de ces lignes, encore maintenant, des lignes insignifiantes, pour faire battre mon cœur…

 

Grâce à Matzneff, j’ai découvert et aimé la Russie d’avant la Révolution : Tolstoï, Dostoïevski surtout,  l’orthodoxie, la Russie des samovars.

Mais j’aime aussi beaucoup lire et voir l’histoire des soixante-dix ans de communisme : que ce soit les témoignages de ceux qui ont été persécutés par le régime (Arthur London, L’Aveu, Evguenia Guinsbourg…), les romans inspirés par cette période (du Docteur Jivago à Enfant 44 en passant par le formidable Une exécution ordinaire
…), ou les témoignages de la vie quotidienne de ceux qui sont passés entre les gouttes, comme l’excellent Lénine, Brejnev et moi, lu il y a presque vingt ans mais dont je me souviens avec une précision lumineuse.

 

Et c’est un peu de tout ça, et bien d’autres choses encore, dont est faite la vie de Limonov telle que Carrère nous la présente : la grisaille d’une banlieue soviétique, l’exil aux USA puis à Paris, et le retour en Russie après la disparition de l’Union, via la Serbie. Et la vie dissolue, erratique, de Limonov, qui est poète underground, écrivain sulfureux, homme politique, dissident, soldat, prisonnier selon le cours des choses, se trouve constamment imbriquée avec l’histoire de son pays, qui semble elle aussi, bien souvent incompréhensible à qui la regarde d’un peu loin…

 

Bref, si, comme moi, le simple fait de lire des “Edouard Veniaminovitch”, “Vladimir Vladimirovitch” ou “Mikhaïl Sergueïevitch” long comme le bras vous met en transe, lisez Limonov.

Si vous aimez les mauvais garçons, les dandys underground, les poètes maudits, les beatniks, Bukowski,  lisez Limonov.

Si vous aimeriez comprendre un tout petit peu mieux, en savoir un tout petit peu plus sur l’histoire de l’URSS puis de la Russie lors de ces 35 dernières années, lisez Limonov.

Si vous aimez les histoires pleines de rebondissements, lisez Limonov.

Et si vous aimez la littérature, lisez Limonov.

Lisez Limonov.

 

Allez, quelques petites phrases extraites du livre, qui dressent un portrait intéressant du personnage :

 

” Il aime mieux être chef d’un parti de trois personnes que féal de quelqu’un qui en rassemble des millions.”

 

“Même d’après ceux qui ne l’aimaient pas, c’était quelqu’un sur qui on pouvait compter, quelqu’un qui ne laissait pas tomber les gens, qui tout en en disant pis que pendre s’occupait d’eux s’ils étaient malades ou malheureux, et je pense que beaucoup d’amis autoproclamés du genre humain, n’ayant à la bouche que les mots de bienveillance et de compassion, sont en réalité plus égoïstes et indifférents que ce garçon qui a passé sa vie à se peindre sous les traits d’un méchant.”

 

 

Categorie : livres
Par mes vies
Le 17 mars 2012
A 19:24
Commentaires :
 

Leave a Reply

You must be logged in to post a comment.