mes vies

blog multidirectionnel : mes vies de mère, de prof, de musicienne, de lectrice, de promeneuse, de dilettante en tout et spécialiste en rien… Et même mes vies de cuisinière, couturière et tricoteuse !

 

fictions

Je n’écoute jamais la radio entre 20h et 21h, sauf le dimanche soir, où c’est l’heure du Masque & la plume.
Mais là, ce soir, des circonstances inhabituelles, des horaires inhabituels, je tourne le bouton du poste, et j’entends une voix de femme.
Je ne sais pas qui elle est, je ne sais même pas de quelle émission il s’agit. Je n’ai pas entendu le début, je n’entendrai pas la fin.
Ça parle de livres.
Alors j’écoute, distraitement au début. Et puis quelques mots, et ces mots-là me racontent moi, ils racontent mon rapport aux livres, alors j’écoute passionnément, j’écoute de toutes mes oreilles, les enfants sont dehors et ça aussi c’est exceptionnel, je suis seule avec cette voix.
Cette voix qui dit, en substance :

“les livres de développement personnel, ils ont un discours objectif. Ils vous disent qui vous êtes, vous disent ce que vous devez faire. Tout le monde en fait la même lecture.

Ça ne m’intéresse pas.
Un roman, en revanche, chacun en fait une lecture différente. Et chacun y trouve ce qu’il y cherche, ce dont il a besoin.”

Ces mots qu’elle met sur le roman, la fiction, c’est ceux que je porte depuis toujours, sans les avoir jamais verbalisés.

Un roman me parle toujours de moi. Certains romans semblent n’avoir été écrits que pour moi. J’ai parfois l’impression que j’aurais pu en écrire chaque ligne, chaque mot; mais je ne suis pas naïve au point de me croire seule dans ce cas…
Et c’est ça au fond : un écrivain me parle de quelque chose, mais moi j’y lis autre chose, j’y lis ce que j’ai vécu, senti, observé…

Categorie : livres
Par mes vies
Le 17 avril 2015
A 19:55
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J’ai des excuses.

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Alors oui, je sais, je disais pas plus tard qu’il n’y a pas longtemps sur Facebook que je n’achète pas de livres neufs. Sauf quand j’en achète, bien sûr.

Mais bon, monsieur le juge j’ai des excuses. Déjà, je tiens une chronique littéraire sur Facebook, lues par des centaines une dizaine trois personnes. Alors je suis bien obligée d’acheter des livres, pour en causer sur l’internet mondial qui retient son souffle en attendant de savoir ce que je pense du dernier Bégaudeau. (vu que j’ai cité la moitié du précédent dans mes statuts…)

Bon, puis Vargas. Ok. Au masque (et à la plume, aussi), ils détestent, Vargas. Ils l’assimilent à Anna Gavalda, Katherine Pancol ou Guillaume Musso.
Du moins c’est ce qu’avait dit Olivia de Lamberterie ou Nelly Kaprièlian (mettons que ce soit Kaprièlian, elle n’aime pas Sylvain Tesson, nous n’avons décidément rien en commun), lors du dernier Vargas, avec la Ménie je sais plus quoi, Hennequin peut-être. C’est sûr, c’était pas son meilleur. Le précédent non plus, au Québec, là. Puis celui d’avant, avec celui qui était son frère, ou son ami d’enfance, bon, moyen, aussi.

Vous allez me dire : trois romans à moitié réussi, et je continue de me ruer sur les nouveaux dès qu’ils sortent ?

Oui.
Déjà, parce que Télérama est enthousiaste. (ce qui fait un partout, non à France Inter, oui à Télérama, il faut savoir ce que disent les Inrocks…).
Non et puis surtout, parce que Vargas et moi c’est une longue histoire. Le premier que j’ai lu, c’était il y a longtemps, “Pars vite et reviens tard”, dans mon petit appartement toulousain tout jaune, ça commence à faire. Puis, l’été 2003. Mon dernier été de tranquillité. GérardKlein en tournée je sais pas où, mon premier enfant encore à l’état embryonnaire, et mes parents en Amérique latine. C’est vous dire si j’étais peinarde. Juste la canicule, mes plats Picard mangés à même la barquette, et l’intégrale de Fred Vargas. Alors oui, aujourd’hui, je bénéficierais de deux mois d’absolue tranquillité, je lirais sans doute autre chose. Mais à l’époque j’étais frappée du SNU (le Syndrôme du Neurone Unique, qui s’abat sur la femme quelque part entre la conception et la quatrième semaine de grossesse, qui réduit de 40 points son QI initial, et qui dure longtemps… Parfois si longtemps que la femme enchaîne avec une nouvelle grossesse, abandonnant alors à nouveau 40 points. C’est comme ça qu’en quelques semaines, une personne qui avait l’habitude de fréquenter la cinémathèque et de lire des essais plutôt pointus sur la politique de soutien à la création musicale sous Maurice Fleuret se retrouve à pleurer devant des pubs Nutella et à ne plus comprendre les résumés de téléfilms dans Télérama.)
Donc mon SNU et moi, en 2003, on a enfilé tout Vargas. Et on est tombés amoureux d’Adamsberg. C’est pour ça que 12 ans plus tard, même s’il nous déçoit et nous fatigue depuis quelques années, on lui laisse toujours le bénéfice du doute. En souvenir des débuts où c’était tout feu tout flamme.
Je sais même pas si il y a Adamsberg dans le dernier opus (j’ai pas voulu lire le 4ème de couv’, encore moins la critique de Télérama (même si ça fait quand même quelques années que je les comprends à nouveau), je veux préserver entier le plaisir de la découverte), mais voilà.
(et le Bégaudeau, me direz-vous ? Well, passion plus récente, mais l’identification fonctionne à fond, entre ce nantais éduqué au collège Jules Verne dans les années 80-90, fils de fonctionnaires de gauche, et moi…) (c’est un peu le Vincent Delerm de la littérature, quoi, ses parents, tes parents, mes parents, on se comprend.)
Ha, et last but not least, dernière excuse : je soutiens l’économie locale, les petites librairies indépendantes, et patati et patata… think global act local etc…

Categorie : livres
Par mes vies
Le 11 mars 2015
A 19:18
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rentrée littéraire

Autant je n’ai jamais lu, ne lirai jamais Joyce Maynard, parce que je ne veux pas lire le moindre mots “contre” Salinger (fut-il absolument et indubitablement vrai… je préfère mes illusions et mon ignorance. Et je préfère tous les livres de Salinger, peu importe que leur auteur se soit bien ou mal comporté avec ses compagnes. Tiens, j’ai pas plus envie de lire le Joyce Maynard que le Trierweiler), autant Oona et Salinger de Beigbedder me tente bien : j’ai une indulgence un peu coupable pour Beigbedder, je lui pardonne tout, à cause de son amour dure trois ans.

(et sinon j’ai lu le Carrère (Le Royaume) mais je n’arrive pas à en dire quoi que ce soit. Enfin si, que j’ai adoré. Mais ce que j’ai aimé dans ce livre est si subjectif que je n’écrirai pas de billet, je crois.) (ou plutôt : ce qui moi m’émerveille et m’attire et me touche, j’ai trop peur que d’autres n’y voient que bondieuseries et auto-indulgence.)

Categorie : livres
Par mes vies
Le 5 septembre 2014
A 9:45
Commentaires : 22
 
 

Tir groupé…

Les lectures de juillet ont été de vraies lectures de vacances, pas très variées ni très exigeantes… Dans le lot, pas mal de romans américains : un Connelly, roman bien classique de serial-killer, sans Harry Bosch mais c’est pas grave;

- comme l’été dernier, je me suis tapé le gros campus-novel de l’année, prêté par ma sœur.  Je ne sais pas pourquoi, tous les ans en hiver ou au printemps, ma sœur me prête un gros roman (enfin elle m’en prête plein d’autres avec), sans trop rin m’en dire à part “c’est pas mal”; je lis la quatrième de couverture et j’oublie le bouquin sur mes étagères. Puis au moment de faire ma valise d’été, je me dis “tiens, ça a l’air parfait pour la plage” et j’embarque le campus-novel, en oubliant que celui de l’année dernière m’est resté sur l’estomac…
Donc celui de cette année, c’est Les Revenants de Laura Kasichke. Alors Kasichke, j’ai adoré le premier que j’ai lu d’elle (En Un Monde Parfait), mais pas du tout Esprit D’hiver, pourtant encensé par la critique et les blogs de lecteurs… Donc j’étais un peu méfiante, mais sans plus.
Et là, 500 (ou 600, je sais plus) pages de fraternités/sororités étudiantes, de résidences universitaires, de jeunes et beaux étudiants, de prof méritants mais pas sûr d’eux, de petites garces blondes aux yeux bleus… Bref, qui a déjà vu un film américain se passant sur un campus (et QUI n’en a jamais vu un ???) ne trouve absolument rien d’intéressant là-dedans. De plus, elle fait vaguement un roman noir ou à énigme, avec une fille qui est morte mais peut-être pas, avec des sociétés secrètes pleines de pouvoir, etc… Là, de l’ambiance “Sexe Intentions” on passe à “The Skulls” (oui ben si vous n’êtes pas né en 1978 ces chefs-d’œuvre ont pu vous échapper; de même, si vous n’étiez pas fan de Buffy contre les vampires et de Dawson, vous ne les avez peut-être pas vus… mais moi, si). Bon, pourquoi pas me disais-je en moi-même tout en lisant, après tout, je me suis peut-être trompée sur Laura Kasichke, j’ai cru qu’elle était considérée comme un grand écrivain américain, en fait c’est juste une Connelly au féminin, j’ai rien contre, faut juste prévenir.
… mais bien sûr, Connelly,  il nous récompense d’avoir bien lu son livre jusqu’au bout en nous résolvant toute l’intrigue dans les 4 dernières pages. Kasichke, elle, se souvient qu’elle n’est pas censée faire du Connelly, et après nous avoir fait du “Alice Detective”, elle opère un virage à 90° dans les 4 dernières pages en ne nous rendant pas les clés. Bref, c’est “The Skulls” mais les méchants échappent à la justice. Ha ouais, OK, c’est ça un écrivain ??? Bon, je le note pour plus tard…

—> Bref : Kasichke, tu m’auras plus, et le campus-novel de l’été prochain je crois bien que je le lirai pas : j’irai le voir au cinéma, ça me gagnera du temps et me rappellera mon adolescence !

- Deux romans lus à la suite l’un de l’autre et qui se répondent assez bien : Les Falsificateurs d’Antoine Bello, et Le Complot contre l’Amérique de Philip Roth.
D’Antoine Bello, j’avais lu La Disparition D’Emily Brunet, une enquête menée par un détective frappé d’une forme particulière d’amnésie. Roman prenant, original par sa forme, j’avais marché à fond dans les ficelles de Bello.
Les Falsificateurs, donc, est un roman là encore à l’intrigue très originale : un jeune diplômé de géographie se voit embauché par une société secrète aux ramifications nombreuses et puissantes, qui procède à la “falsification” du monde : les membres de cette société inventent des personnages, des épisodes, de l’histoire ancienne ou récente, ou même de l’actualité, et se donnent toutes les peines du monde pour créer de toutes pièces de nombreuses “preuves” pour étayer leurs “scénarios”. Cette jeune recrue parcours le monde, apprend peu à peu à connaître certains de ses collègues et de ses mentors, et invente des scénarios destinés à infléchir le cours de l’histoire… Mais travaille-t-il pour une organisation bienveillante et humaniste, ou au contraire les falsificateurs sont-ils des gens dangereux en quête de domination de l’information ? Je ne le sais pas encore, il y a une suite, Les Éclaireurs. J’ai bien l’intention de la lire, d’abord parce que je me suis attachée aux personnages et j’ai pris du plaisir à ce roman qui n’est pas tout à fait un roman d’aventure ni un roman d’espionnage, mais qui en reprend quelques codes, tout en nous amenant à réfléchir (un peu balourdement j’en conviens) sur l’information, la désinformation, sur les “complots”, thèmes qui m’intéressent hautement en dehors de la littérature…

Sans l’avoir planifié j’avais aussi dans ma valise Le Complot Contre l’Amérique, de Roth.  J’ai ramassé ce poche il y a quelques années, dans un panier “servez-vous” devant une antenne de la bibliothèque municipale… (ou peut-être était-ce dans la bibliothèque d’une autre ville ?). Je l’ai pris parce que Philip Roth est nimbé d’une aura d’immense écrivain qu’il faut avoir lu, mais justement à cause de cette aura, avant l’été dernier, je ne m’y étais jamais risquée… Pourtant, ses romans sont très plaisants à lire, comme souvent ceux des grands écrivains américains… ce “complot” est en réalité une uchronie : Roth raconte ses souvenirs d’enfant juif américain, âgé de 8 ans en 1940… Jusque là, c’est son autobiographie, pourrait-on penser. Mais le petit Philip Roth grandit dans une Amérique dont le président Roosevelt n’est pas réelu : c’est l’aviateur Charles Lindbergh, antisémite et isolationniste, qui est élu président. Lindbergh signe des accords avec l’Allemagne nazie, est décoré par Hitler lui-même, et refuse de rentrer en guerre pour soutenir l’Angleterre bombardée…
Après Bello qui nous fait douter de tout, Roth nous décrit si bien les évènements de ces deux années (40-41), la tension montante dans les familles juives de Newark, les lois visant à “américaniser” les juifs en envoyant les adolescents dans des familles WASP du middle west pour travailler à la ferme, et bientôt, des familles entières dans des états ruraux et peu peuplés, qu’on finit par se demander si ce qu’il nous raconte n’est pas réellement arrivé ! De plus, il évoque un grand nombre de personnages publics ayant existé, pour semer le trouble encore un peu plus dans l’esprit du lecteur… avant de rétablir la véritable biographie de chaque protagoniste dans les annexes du roman.

- Pour finir, et surtout pour occuper les 10 heures de trajet en voiture, j’ai lu un roman sans prétention que je gardais à cet effet (pour lire en voiture, il faut un livre grand format, les poches sont imprimés en trop petits caractères et ça me rend malade; de plus, la radio marche, ou le lecteur dvd des enfants, et les interruptions sont nombreuses, il me faut donc un roman à l’intrigue simple, je ne peux pas lire un roman subtil lors des trajets familiaux) : La Dernière Fugitive, de Tracy Chevalier (auteur aussi de La Jeune Fille à la Perle). Elle nous raconte le destin d’une jeune Quaker anglaise, qui embarque pour les États-Unis où sa sœur Grace va épouser un membre de leur communauté récemment émigré en Ohio.
Bon, je passe sur les péripétie que la pauvre Honor va devoir affronter, sur le zeste de romance, la dose d’aventure et la couche épaisse de bons sentiments qui font le parfait roman de voiture, pour dire que l’histoire des Quakers, leur philosophie, leurs pratiques, m’ont beaucoup intéressée (et du coup en rentrant je suis allée voir de plus près cette “religion de la paix”, qui fonctionne sans hiérarchie, sans clergé, sans cérémonies (leur culte consiste à rester assis ensemble en silence), et qui a été l’une des première à s’élever contre l’esclavage, à inventer une première forme de commerce équitable en refusant quand c’était possible, d’acheter du coton cultivé par les esclaves, à refuser toute forme de violence (les Quakers sont souvent objecteurs de conscience)… Ce qui m’a intéressée plus encore, c’est l’omniprésence du patchwork dans le roman : Honor, l’héroïne, est une quilteuse, elle réalise à la main des quilts qui font l’admiration de tous… J’ai une passion pour le patchwork depuis que j’ai lu pour la première fois le mot “courtepointe” dans le tome 1 de la Petite Maison Dans La Prairie, je devais être en CE2… C’est un de mes multiples projets pour quand j’aurais du temps. (à la retraite, au mieux…)

Categorie : Non classé, livres
Par mes vies
Le 28 juillet 2014
A 18:48
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Paul en hiver…

Winter Journal, c’est le dernier ouvrage paru de Paul Auster.

De Paul Auster, d’abord, j’ai tout lu ou presque. Dans mon adolescence il était un des auteurs dont j’attendais fiévreusement la sortie d’un nouveau livre. J’avais commencé par sa Trilogie New Yorkaise, comme tout le monde je crois… Mais Léviathan, La musique du Hasard, et ses œuvres “autobiographiques”, dans lesquelles il évoque son histoire, et en particulier son rapport à la littérature : L’invention de la Solitude, L’Art de la Faim, et surtout (surtout !!) le Carnet Rouge, très bref volume qui est l’un des livres qui m’ont le plus marqué à cette période là (l’époque du lycée).

Et même si j’ai pendant quelques années totalement cessé de m’intéresser à ses livres; même si je n’ai pas lu les deux derniers, et pas trop aimé les deux ou trois parus après les années 2000, Paul Auster reste un de mes écrivains préférés.

Et ce Winter Journal me donne très envie de m’offrir une petite “cure” de rattrapage, et de lire Sunset Park et Invisible.

Cet ouvrage est une sorte d’autobiographie d’Auster, au moment où, ainsi qu’il l’écrit à la dernière ligne de l’ouvrage, il entre dans “l’hiver de sa vie”. Mais même s’il y livre toutes sortes de détails sur son existence, donnant les adresses de toutes les maisons où il a vécu, essayant de faire la somme de tous les endroits où il est allé, de tous les voyages qu’il a effectué, ce Journal tourne en fait essentiellement autour de la mort.

La mort de ses proches, d’abord : celle de son père, celle de sa mère; celle d’un camarade foudroyé dans sa quatorzième année… Mais essentiellement la sienne. Celle qu’il a frôlé à quelques reprises, comme probablement chacun d’entre nous, à l’occasion d’un accident de voiture, d’une chute, d’un accident domestique aussi “bête” que le fait de se coincer une arête de poisson dans la gorge… Celle qu’il a cru rencontrer, lors de graves crises de paniques, ou lorsque des douleurs gastriques violentes lui ont fait croire qu’il était en train de faire une crise cardiaque.

La mort,  “présence” en toute vie, comme certains lieux, certains évènements nous le rappellent : lorsqu’il visite le lieu sur lequel s’étendait le camp de Bergen-Belsen, ou, comme il en fait l’expérience plusieurs fois par semaine, lorsqu’il passe le pont de Brooklyn et que le souvenir des Twin Towers persiste dans le paysage : “[…] the dead are still here, and the Towers are there as well- pulsating in memory, still present as an empty hole in the sky”.

Et bien qu’étant assez loin encore de l’hiver de ma vie, j’ai été vraiment touchée par ce livre; probablement parce que Paul Auster est dans ma vie depuis longtemps; que jusqu’à peu, encore, je pensais à lui comme à ce séduisant quadra qui avait sa photo dans Elle. Mais il a maintenant 64 ans, et je suis pour ma part bien loin de la lycéenne qui dévorait ses livres…

[je précise que c’est le premier Auster que je lis en anglais; il est tout à fait de mon “niveau de lecture” en anglais, 230 p., un vocabulaire accessible… Mais on profite vraiment beaucoup mieux de la langue d’Auster, de son rythme, en le lisant en anglais… Et puis, aussi, l’édition français chez Actes sud coût les yeux de la tête, quand on voit que pour 10 euros à peine j’ai pu commander la version anglaise chez Faber & Faber, reliée !]
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Categorie : livres
Par mes vies
Le 14 avril 2013
A 16:40
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mary higgins clark fait le moyen-age

Je ne sais pas vraiment d’où vient ce livre. Je sais qu’il m’a été prêté par ma mère, il y a de cela au moins un an. Le livre porte une petite étiquette rouge, qui pourrait indiquer qu’il provient du secours populaire ou de quelqu’autre pourvoyeur de livres d’occasion… Et je suppose (je ne peux que supposer, l’intéressée étant en vacances au soleil en ce moment même) que ce qui a poussé ma mère à l’acheter est le fait, comme l’annonce la quatrième de couverture dès la première ligne, qu’une partie de l’intrigue se situe à Nantes en 1440.

J’ai commencé à le lire en toute innocence, persuadée de me distraire avec un honnête polar médiéval à la Andrea Japp ou frère Cadfael.

Distrayant, ça, pour sûr, il l’est, ce roman !! J’ai failli m’étouffer de rire au moins une fois par page…

En fait le roman raconte en parallèle deux intrigues, à base de serials killers s’attaquant à des petits garçons. L’un de ceux-là est donc Gilles de Rais, et l’enquête est menée par une religieuse qui fut sa nourrice avant d’entrer dans les ordres à la suite de son veuvage; l’autre est un “simple” tueur en série contemporain, et c’est une autre femme, inspecteur à Los Angeles qui mène l’enquête.
Les deux histoires présentent des similitudes, mais n’ont aucun lien véritable (on ne parle pas de réincarnation ou autre…) Ce sont juste deux histoires racontées en alternance, un chapitre en 1440, un en 2002.

Je commence par la partie contemporaine, car à la réflexion elle mérite elle aussi qu’on en parle. Des enquêtes à Los Angeles, depuis un an ou deux, j’en ai lu une quinzaine (celles d’Harry Bosch). Et pour tout dire je commençais un peu à me lasser de Bosch, mais par comparaison, je me rends compte à quel point M. Connelly est un excellent auteur. Bosch est un personnage tout en nuances, et dans chacune de ses enquêtes on peut voir la lutte que se livrent les pontes de la police, la mairie, les services du procureurs, la presse; et les policiers, eux, sont pris dans tout ça, ne devant froisser personne et pourtant résoudre des crimes, avec toujours la crainte que l’opinion ou leurs patrons leur tombent dessus…

Dunbar, l’inspectrice d’Ann Benson, elle, a de la chance. Elle vit dans un monde parfaitement manichéen. Il y a les honnêtes citoyens d’un côté, protégés par la police, et, de l’autre, les salauds. Elle le dit plusieurs fois dans le roman, défendant ardemment la peine de mort, évoquant un juge qui, ayant été avocat, “en a eu assez de défendre des salauds et à choisi de passer du bon côté” (TEXTO !!), bref, pas de réflexions politiques ni philosophiques sur le bien et le mal, non, la peine de mort pour les tueurs d’enfants et c’est tout !!

Connelly, également, nous fait visiter Los Angeles en détail dans chacun de ses livres, décrivant les quartiers, les bas-fonds comme les résidences des stars, l’atmosphère propre à chaque endroit…
Benson, elle, n’a jamais mis les pieds à Los Angeles et même moi je parviens à m’en rendre compte. Il ne suffit pas de citer deux ou trois lieux publics pour situer l’intrigue de son roman à LA.

Je passe également sur la pauvreté de l’enquête en elle-même, où tout semble désigner le meurtrier, dès le départ, parmi le monde entier… L’enquêtrice “devine” que c’est lui, et BINGO, c’est lui !! Pratique, non ?

Mais bien sûr, les chapitres qui m’ont fait rire, eux, sont ceux qui se déroulent à Nantes au XVème siècle, et qui concernent l’enquête sur des disparitions d’enfants, puis le procès et l’exécution de Gilles de Rais (ou de Retz, comme on veut).

Enquête menée par son ancienne nourrice devenue religieuse après la mort de son mari.

Et là, on se dit qu’Ann Benson, elle a peut-être pensé qu’il suffisait d’avoir vu Sean Connery jouer Guillaume de Baskerville pour pouvoir écrire un polar médiéval, mais en fait, n’est pas Umberto Eco qui veut.

Moi même je suis très très loin d’être une médiéviste émérite. Mais enfin il y a des limites. Et surtout, j’ai une vague idée de ce à quoi ressemble la religion catholique. Ann Benson aussi, mais alors, vraiment très, très, très vague, l’idée.

Pour vous la faire brève : la religieuse (qui est carrément une mère supérieure) passe toutes ses journées avec l’évèque. Ils sont très proches. Très très proches. (si proches qu’à plusieurs moment j’ai redouté le pire pour le salut de leurs âmes à tous les deux. Mais bon, ouf, à part quelques effleurement du bout des doigts et quelques remisages de mèches rebelles sous le voile, ça reste chaste).

Donc on imagine bien un évèque du XVème siècle avoir pour quasi seule compagnie toute la journée la mère supérieure d’on ne sait pas trop quel couvent. Et c’est là que ça devient flou, car le couvent est parfois nommé “abbaye”, et que des appartements/bureaux de l’évèque à la “chambre” de la mère supérieure (pas se cellule, non, sa chambre) il n’y a que quelques pas puisque l’évèque l’envoie chercher toutes les deux minutes.

Et la mère supérieure est rarement dans sa “chambre” (ce qui parait logique), non, elle est plutôt tout le temps fourré au verger avec Frère Demien.

Et oui : au XVème siècle c’était mixte, donc, les couvents/abbayes. Des religieuses, des moines, et l’évêque au beau milieu.
Bon, j’ai pas relu la règle de Saint Benoît depuis quelques temps, mais il me semblait…

Et bien sûr, à tailler les pommiers avec frère Demien et tailler des bavettes avec l’évêque, la pauvre mère supérieure, elle a rarement le temps d’aller à la messe. D’ailleurs, dans les 700 et quelques pages du bouquin, il n’est fait mention que d’un seul office : la messe de Pâques. Alors bon, oui, ellipses, tout ça, je comprends bien qu’on va pas décrire par le menu les 8 offices quotidiens d’une moniale, c’est pas le propos du livre. Mais bon, de temps en temps, mentionner “en passant” qu’elle arrive de complies ou de tierce, au lieu de la voir en train de tenir l’échelle au frère Demien ou de broder avec des fils de soie, rendrait peut-être l’arrière-plan un tout petit peu plus crédible.

Mais bon, en même temps, quand on regarde la messe de Pâques décrite, elle, par le menu, on se dit qu’en fait c’est pas plus mal que l’auteur parle surtout de la cueillette des pommes : d’abord, elle évoque les chanteurs. Un chanteur, surtout, dont on nous dit qu’il chante merveilleusement bien et qu’il a “gardé la voix de ses 12 ans”. La mère supérieur, en l’écoutant, se demande d’ailleurs si il ne serait pas un “castrat”.

La pauvre Ann Benson a de curieux fantasmes, ça c’est sûr, on s’en effraie un peu quand on lit le bouquin. Mais bon, de là à mettre un castrat dans une paroisse nantaise au XVème siècle… Bref, pas de castrats en France, et en tout cas, pas de castrats avant le XVIème siècle, et la grande “mode” c’est quand même plutôt 17/18ème siècle.

Et ce pseudo “castrat”, que chante-t-il à la messe de Pâques ?

“Kyrie eleison”, oui, bon, d’accord… puis “O domine Jesu Rex Gloriae…”, “Hostias, te preces tibi domine…”, “Libera me domine de morte eternal”…

 

Le Requiem, donc.

 

À la messe de Pâques.

 

Tout cela est parfaitement normal…

(la pauvre Ann Benson manque UN POIL de documentation sur ce qui se passe lors d’une messe catholique. En gros, elle a écouté le requiem de Mozart et trouvé ça très beau, du coup elle s’en est servie pour les descriptions de sa messe de Pâques… hem…)

 

Je passe sur le fait que son pote le jardinier frère Demien est assis près d’elle, puisqu’elle lui glisse sans arrêt des trucs à l’oreille (elle est pas très concentrée, pendant la messe !) : donc pareil, Ann Benson a pas trop intégré qu’en Europe au Moyen-âge les hommes et les femmes ne sont pas tellement censés être assis sur le même banc de messe. Et d’ailleurs, qu’on ne voit pas trop ce qu’une mère supérieure fait à la messe célébrée en paroisse par l’évêque.

En paroisse, oui, parce que Gilles de Rais est présent (et plein de gueux aussi). Il va même d’ailleurs s’avancer dans l’allée centrale, suivi par tous ses éxécuteurs des basses œuvres, et par tous les gueux, pour… ben, communier, pensez-vous ? ET NON !!! En 1440 à la messe, après avoir écouté le requiem, tous ensemble, on va se confesser !! L’auteur décrit le visage du seigneur de Rais pendant l’absolution et pendant la (courte) pénitence, et la narratrice (la mère supérieure) “craint” que certains des fidèles qui sont passés avant Gilles de Rais n’aient “haté” leur confession pour ne pas trop faire attendre le seigneur, et qu’ils ne reçoivent donc, de ce fait, qu’une absolution “imparfaite”…
Je pense qu’assister ne serait-ce qu’une seule fois à une messe catholique, quand on écrit sur une religieuse de cette même religion, n’est pas du luxe. Et ce faisant, l’auteur aurait réalisé que ce que vont faire les fidèles quand ils s’avancent au milieu, ce n’est pas se confesser…

 

Bien, j’ai donc dû perdre définitivement tout mon lectorat et je vais essayer de conclure plus vite, mais il reste encore beaucoup à dire ! En fait j’ai annoté au crayon toutes les horreurs trouvées dans le livre, et il y a un coup de crayon par page ou presque. La méconnaissance de l’organisation du clergé au XVème siècle de l’auteur est totale et absolue : le frère Demien est désigné tantôt comme “le frère Demien” et tantôt (pour éviter les répétitions, j’imagine ?) comme “le jeune prêtre”. La distinction moine/prêtre catholique n’est semble-t-il pas arrivée jusqu’au Connecticut où, nous apprend l’éditeur, Mme Benson réside.

Et le fils de la mère supérieure (son fils biologique : elle a été nourrice avant d’être religieuse) qui est auprès du pape en Avignon, lui aussi nous est d’abord présenté comme un prêtre (ce qui peut sembler logique) puis on le désigne comme le “frère Jean” et on évoque sa tonsure !!

 

L’autre “volet” sur lequel je m’en suis donnée à cœur joie du bout de mon crayon, c’est la topographie et la toponymie. Je suis nantaise, donc tous les lieux qu’elle évoque me sont familiers. À moi, mais pas à elle, visiblement… Par exemple, elle parle d’une femme venue de “Roche-Bernard”. (en fait c’est LA Roche-Bernard…); et le plus magnifique se trouve à la toute fin : Google maps est un bel outil, encore faut-il savoir ce qu’on y cherche. Ann Benson nous indique que le corps de Gilles de Rais reçoit une sépulture à “Notre-Dame-Du-Carmel”, “à l’autre bout de Nantes”. (par rapport au Bouffay où elle situe son exécution). Or, “notre-dame-du-Carmel”, le carmel de Nantes, existe depuis les années 90. 1990. Je me souviens parfaitement de sa construction, sur le bout de l’île de Beaulieu. En fait, les restes de Barbe-Bleue furent enterrés aux Carmes, un monastère situé tout près du Bouffay, mais qu’on ne risque plus de trouver sur Google Maps car il a été détruit (à la Révolution il me semble mais il faudrait vérifier, ce que je ferais évidemment si j’écrivais un bouquin le mentionnant !!!). Il ne reste plus que la rue des Carmes, bien connue de tous les nantais…

 

On relève beaucoup, beaucoup d’autres anachronismes assez énormes : on parle sans cesse de chaussures, tout le monde porte “des chaussures”, la religieuse a envie d’ôter “ses chaussures de cuir”, on promet à l’enfant pauvre “une paire de chaussures neuves pour remplacer les [siennes]”, le grand-père de Gilles de Rais lui donne des coups de pieds avec ses “bottes pointues”, etc… Idem, je suis pas spécialiste du costume au XVème siècle, mais si Anne, duchesse de Bretagne, était surnommée la “Duchesse en sabots”, on peut éventuellement supposer que ni une religieuse ni un enfant pauvre ne devaient disposer de “chaussures”. Quand aux bottes “pointues”… des santiags, sans doute ???

Et outre les chaussures, on trouve partout des “livres”. Dix ans avant l’invention de l’imprimerie, des “livres”. Gilles de Rais vient à la messe avec une bible reliée en cuir doré (Benson ne sait pas que les catholiques n’ont pas de bibles pour aller à la messe, mais des missels. Elle ne connait aucune des différence entre sa religion et celle dont elle parle…); enfant, il faut lui arracher des mains ses livres, en particulier son favori, “les douze césars”. Et il possède aussi des “livres d’anatomie”.

Alors déjà, que Gilles de Rais ait possédé tous ces textes, je n’en sais rien. Mais en tout cas, le terme de “livre” me semble un peu abusif. “Manuscrit”, “texte”, mais livre…

Et puis le vocabulaire est parfois légèrement… contestable. Comme quand l’évêque “pianote” sur sa table. Tambouriner, je veux bien, mais je vois mal comment on pouvait “pianoter” en 1440…

 

La traductrice, de toute évidence, n’aide pas. J’ai entouré des répétitions à chaque page ou presque, des contresens (grâce auxquels je parviens à retrouver la formulation originale…), des erreurs manifestes de traduction, comme par exemple le verbe “to assume” traduit en français par “assumer” au lieu de “présumer”…

Mais le plus beau, lecteur courageux et opiniâtre, je te l’ai gardé pour la fin : on apprend à un moment donné, que le petit Gilles de Rais entraîne un de ses camarades dans les bois (pour faire des vilaines choses mais ça à la limite on s’en fout). Et que propose-t-il à son copain pour le convaincre de le suivre dans la forêt ? il lui propose de s’armer de couteaux et de frondes pour aller chasser une DINDE. Une dinde. À Champtocé (sur les bords de Loire, dans l’actuel département du Maine et Loire). En 1440.

j’ai pas autant rit depuis bien longtemps.

 

Et je me suis demandé COMMENT on pouvait laisser passer de telles énormités ?? Comment l’éditeur, le traducteur, ceux qui sont censés relire un livre pour ne pas laisser traîner de coquilles, peuvent laisser passer une chasse à la dinde ?? Rue du Cherche-midi à Paris, ils imaginent sérieusement des dindes sauvages dans les forêts des bords de Loire ???


Bref, j’ai lu un nombre incalculable de livres “bof”. Livres vains, qui ne laissent aucun souvenir une fois leur couverture refermée, qui ne présentent aucun intérêt. Des livres dont je ne parle pas ici, parce que j’ai seulement envie de partager ce qui me fait plaisir, ce qui me fait du bien, et pas ce qui m’ennuie, me déplaît ou m’indiffère. Mais des livres franchement, résolument, absolument mauvais comme celui-là, je n’ai pas souvenir d’en avoir déjà rencontré !

 

Merci madame Benson, vous m’avez bien fait rigoler…

Categorie : livres
Par mes vies
Le 10 novembre 2012
A 10:27
Commentaires : 29
 
 

Marina, Marina…

Marina Tsvétaïéva, née en Russie à la toute fin du XIXè siècle, exilée en France après la Révolution de 17, revenue en Union Soviétique à la veille de la seconde guerre mondiale, persécutée par le régime stalinien qui la pousse au suicide, puis réhabilitée par le pouvoir dans les années 50, est l’un des plus grands poètes russes du XXème siècle. Pourtant je n’avais jamais entendu son nom (ou alors je n’y avais jamais prêté la moindre attention ?), jusqu’à l’année dernière. La même semaine (c’est toujours comme ça), je buttai contre elle dans le Limonov de Carrère, dans la discographie de Dominique A que je ré-écoutais à l’occasion de la sortie de son nouvel album (et donc, cette chanson, “Marina”, était dans ma discothèque depuis des lustres, sans que je sache de qui elle parlait…), et pour finir, dans les rayons d’une librairie nantaise qui m’est chère, où je trouvai Mon Pouchkine, essai parut en 1937 (peu de temps avant la mort de Tsétaïéva), traduit en français en 1988, épuisé depuis, et re-publié en 2012 donc dans la collection Babel d’Actes Sud.

La vie romanesque, le destin de cette femme, imbriqué dans l’Histoire de l’Europe du XXème siècle, sa vie amoureuse aussi, ses liens avec Pasternak, Rilke (excusez du peu) m’attiraient davantage, au départ, que son œuvre elle-même (parce que je lis peu -très peu- de poésie, et qu’en général je ne lis pas de poésie traduite, craignant trop de lire une œuvre dénaturée, trop éloignée de l’originale). Mais Mon Pouchkine, justement, c’était de la prose, et en plus un exercice d’admiration littéraire, genre que j’adore, depuis La Diététique de lord Byron, parce qu’un écrivain qui parle de l’œuvre d’un autre révèle surtout beaucoup sur lui.

C’est exactement ça que j’ai trouvé dans Mon Pouchkine : d’abord, une découverte émerveillée du style de Marina Tsétaïéva, une langue haletante, urgente; ensuite, bien d’avantage qu’une biographie de Pouchkine ou qu’une analyse de ses poèmes, une plongée dans l’enfance moscovite de la petite Marina, qui habite à quelques pas de la “statue-Pouchkine”, qui, dès 4 ans, lis ses poèmes dans l’anthologie de sa sœur aînée; à 5 ans, fait le “petit singe savant” pour les amies de sa nourrice en récitant “les bohémiens”; et à 6 ans, découvre l’amour en assistant à sa première représentation d’Eugène Onéguine.

Et voici le passage en question, un peu long, mais je tiens à le retranscrire ici car il m’a fait pleurer, tant la langue est belle et les émotions me parlent :

“Quelle honte ! Même pas dit merci pour la mandarine ! Amoureuse d’Onéguine, comme une imbécile, et à six ans !…”

Pas d’Onéguine, maman, mais d’Onéguine et Tatiana (et plus de Tatiana, peut-être), des deux ensemble - de l’amour. Jamais, plus tard, je n’ai écrit un de mes textes sans être amoureuse des deux ensemble (d’elle -un peu plus), et pas des deux, mais de leur amour. De l’amour.

Ce banc où ils ne se sont pas assis se révéla déterminant. Ni à l’époque ni plus tard -jamais je n’ai aimé quand on s’embrasse - toujours quand on se quitte. Jamais quand on s’assied -toujours quand on va son chemin. Ma première scène d’amour fut toute non-amour : il n’aimait pas (je comprenais) -il ne s’est pas assis; c’est elle qui aime,et qui se lève donc. Pas un instant il n’ont été ensemble, ils ont fait le contraire : il parlait, elle ne disait mot; il n’aimait pas, elle aimait; il est parti, elle est restée - soulevez le rideau : elle reste là, elle s’est assise, peut-être, parce qu’elle n’était debout que pour lui - elle s’est donc effondrée, elle restera assise - à tout jamais. À tout jamais, elle est assise sur ce banc. 

Ma première scène d’amour détermina toutes les autres, cette passion de l’amour malheureux, impossible -à sens unique. Dès cet instant j’ai refusé toute idée de bonheur et je me suis vouée - au non-amour.

[…]

Pas que cela - Eugène Onéguine détermina bien autre chose. Si pendant toute ma vie, juqu’à aujourd’hui même, j’ai toujours écrit -la première, toujours - tendu la main - au diable tous les juges - la première, c’est qu’à l’aube de mes jours, Tatiana, dans son livre, à la lumière de la chandelle, la natte détressée sur la poitrine, l’avait, sous mes yeux - fait.
Plus tard, quand ils partaient (ils sont toujours partis), je n’ai jamais tendu les mains, je ne me suis jamais retournée : c’est que dans le jardin, alors, Tatiana était restée figée. Statue.
Leçon de courage. Leçon de fierté. Leçon de destin. - Leçon de solitude.

Je commence dans la foulée une biographie de Marina Tsétaïéva, trouvée “par hasard” chez le bouquiniste, et j’ai déjà ajouté à ma wishlist ses fragments autobiographiques au titre magnifique : Vivre dans le feu .

(et la chanson de Dominique A )

Categorie : livres
Par mes vies
Le 3 novembre 2012
A 17:59
Commentaires : 17
 
 

rentrée littéraire

Je suis à peu près imperméable à la rentrée littéraire.

Il y a encore de cela quelques années, la rentrée littéraire provoquait toujours en moi une certaine angoisse : tous ces livres, absolument pas le temps de les lire tous avant la prochaine déferlante de nouveautés romanesques, la certitude que parmi tous ces ouvrages, tous ces auteurs, il s’en cachait un ou deux que j’aurais vraiment aimés, mais comment les trouver ? Comment les reconnaître ?

Je sais maintenant que les livres viennent à moi, selon un chemin et un calendrier connu d’eux seuls; mais que je n’ai pas à m’inquiéter. J’aurais toujours de quoi lire, j’aurais toujours du plaisir avec les livres, et tant pis si tel livre qui m’aurait émerveillée a échappé à mon attention. Peut-être qu’il atterrira sur mes étagères dans 3, 10 ou 20 ans. Ou jamais, et c’est pas grave.

[autant de sagesse et de philosophie doit pas mal vous impressionner, lecteurs. Ouais, je sais. Ça m’a pris du temps pour en arriver là, j’ai médité dans un ashram.]

Tout ça pour dire qu’en septembre comme le reste de l’année, il est plus que rare -exceptionnel- que je dépense 18 euros pour lire un livre, quand des milliers d’autres m’attendent sur les étagères du bouquiniste (ceux-là même qui, l’année dernière, l’année d’avant, ou il y a plus longtemps encore, étaient fièrement empilés sur les tables des libraires, avec leur bandeau rouge “premier roman”, “évènement de la rentrée littéraire”, ou “par l’auteur de XXXX”).

Ce préambule posé, il est évident que toute ma sagesse et ma foi dans la décroissance active et la simplicité volontaire pèsent parfois bien peu.

En général, je n’ai aucun mal à ignorer ceux qui sont partout dans les médias, ceux que les critiques nous recommandent, ceux qu’il “faut” avoir lu cette rentrée… (parce qu’en Mai déjà on aura oublié leur nom, le titre de leur roman et le reste).

En revanche il est certains noms qui, imprimés sur une couverture, ont et auront toujours un pouvoir hypnotique sur moi. Ainsi, quand j’ai vu dans les rayons de mon supermarché “L’homme-Joie” de Christian Bobin, j’ai oublié 1) que je n’achète plus de livres neufs 2) que je n’achète jamais de livres dans les grandes surfaces et 3) qu’avec l’augmentation du prix de la pomme de terre et (bientôt) de la bière, remplir mon chariot pour une somme raisonnable est une mission de moins en moins possible.

Achat impulsif, donc, d’autant plus que j’ignorais totalement la sortie d’un “nouveau” Bobin. Parce que Bobin ne cause pas dans le poste (du moins, pas chez Pascale Clarcke), qu’il n’a pas de plan médiatique, et que son roman est publié chez une maison d’édition plus que confidentielle, “l’iconoclaste“.

Et j’ai retrouvé le goût du Bobin de mon adolescence, de “La Femme à Venir”, de “la Plus Que Vive”…

On peut le trouver niais, on peut le trouver mièvre, naïf, ridicule peut-être avec ses bouquets de fleurs et ses sourires d’enfants…

Mais sa poésie me parle, quand il dresse le portrait de Glenn Gould, ou quand il écrit une lettre d’amour à la femme aimée et perdue (lettre imprimée sur des pages bleues, au milieu du livre, avec l’écriture manuscrite de Bobin).

“J’ai lu plus de livres qu’un alcoolique boit de bouteilles. Je ne peux m’éloigner d’eux plus d’un jour. Leurs lenteurs ont des manières de guérisseur. J’ai passé des étés dans leurs chapelles fraîches, taillées dans la falaise crayeuse d’un beau silence.”

Categorie : livres
Par mes vies
Le 1 octobre 2012
A 17:24
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Extrêmement fort.

Parmi mes lectures estivales se trouve Extrêmement fort et incroyablement près de Jonathan Safran Foers. C’est un roman dont je n’avais pas entendu parler lors de sa sortie, il y a déjà quelques années… Plus récemment, l’auteur a fait polémique avec son “faut-il manger les animaux ?” mais là encore, je n’avais pas fait le rapprochement avec ce roman. C’est lors de la sortie du film éponyme, que les critiques ont descendu en flèche lors d’un “masque et la plume” consacré à l’actualité du cinéma, qu’un des critiques présents ce soir là a glissé que le livre était “excellent”, contrairement à l’adaptation cinématographique.

Pour autant, je ne me serais sans doute pas précipitée sur ce bouquin (pour ce que j’en savais, l’histoire d’un petit garçon dont le papa est mort et qui cherche à retrouver la serrure qu’ouvre une clé retrouvée dans les affaires du dit papa, ça ne m’emballait pas spécialement), mais lors de notre périple à vélo, j’avais embarqué un livre en format “pointdeux” (ces fameux mini-bouquins imprimés sur papier bible) (”les soldats de l’ombre”, de Deon Meyer, honnête polar sud-africain), que j’ai fini à la fin de la première semaine. C’est donc dans une maison de la presse de la Rochelle que j’ai eu l’occasion “ou jamais” d’acheter un nouveau livre. Mon objectif : qu’il soit chez pointdeux. Mais le présentoir des éditions était plutôt vide, et j’avais lu une bonne partie de ceux qui y figuraient, sauf… “Extrêmement fort”, que j’ai donc acheté sur la foi de cette petite phrase d’un critique du “masque”.

Je ne m’attendais à peu près à rien (et c’est mieux comme ça), mais ce roman m’a vraiment émue et touchée plus peut-être qu’aucun de ceux que j’ai lus cette année.

Le narrateur “principal” est donc Oscar, neuf ans, dont le père est mort de façon tragique et brutale : il se trouvait au “Windows on the World” le 11 septembre 2001.
Oscar ne parvient pas à accepter cette mort si injuste; son père lui manque terriblement.

Puis une autre voix se fait entendre. Un homme qui a, lui aussi, “tout” perdu, et perdu jusqu’à la parole, puisqu’il se sert désormais de cahier pour communiquer avec les autres. Petit à petit, on en apprend plus sur l’histoire de ce personnage, sur sa vie, sur son destin, sa filiation; sur les circonstances qui ont fait que pour lui aussi, la mort est tombée du ciel sous la forme d’un avion, quelques cinquante années auparavant…

C’est un roman qui m’a plusieurs fois mis les larmes aux yeux (je suis bon public de ce côté-là, faut dire…), tant le chagrin et la colère du petit garçon sonnent justes.

Les thèmes abordés sont ceux de la relation père-fils, du père, mais aussi de comment survivre, continuer à vivre, lorsque d’un coup vous est enlevée la personne qui vous est la plus chère au monde…

La fameuse histoire de la “clé” qui (apparemment) est à peu près la seule chose développée dans le film est finalement secondaire; mais c’est un livre dont les personnages m’accompagneront longtemps.

Et j’ai particulièrement aimé la façon dont la narration est conduite, avec d’abord une exposition très claire et précise des personnages “dans le présent”, puis l’irruption de ce personnage “passé”, dont on ne connait rien au départ et dont on comprend petit à petit l’histoire et ce qui le relie à Oscar.

Categorie : livres
Par mes vies
Le 28 août 2012
A 17:13
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bonjour tristesse

Y a-t-il encore quoi que ce soit à dire sur Bonjour tristesse de Sagan ? Tout ou presque a été dit sur ce personnage, ce “charmant monstre”, et sur son œuvre, sur son style, sur sa “petite musique”… Tant de clichés, tant de miroir déformant qui nous séparent de ses romans, de son écriture.

Je viens de relire ce premier roman, écrit en 1954 par une toute jeune fille, une adolescente à peine sortie de son couvent; et si, à ma première lecture (j’étais collégienne à l’époque) ça ne m’avait pas frappée plus que ça, je suis aujourd’hui émerveillée que la première phrase du premier roman publié d’une fille de 18 ans puisse être aussi sublime, aussi parfaite que celle-ci : “Sur ce sentiment inconnu dont l’ennui, la douceur m’obsèdent, j’hésite à apposer le nom, le beau nom grave de tristesse. ”

Categorie : livres
Par mes vies
Le 6 mai 2012
A 13:31
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