blog multidirectionnel : mes vies de mère, de prof, de musicienne, de lectrice, de promeneuse, de dilettante en tout et spécialiste en rien… Et même mes vies de cuisinière, couturière et tricoteuse !
Ce soir c’était “tous à l’opéra” : une italienne toute russe, puisqu’on a pu voir une répé (l’italienne, donc : plateau + orchestre, mais sans mise en scène ni costumes, ni décors) d’ Eugène Onéguine, un chef d’œuvre absolu pour qui a l’âme slave et romantique. (c’est tout moi, donc). (car comme chacun sait, tout ce qui est russe me met en transe)
Le plateau est absolument *parfait*. Tatiana, d’abord : blonde, carnation de poupée de porcelaine, yeux en amandes, la parfaite petite bourgeoise moscovite pré-bolchévique. Une très jolie voix. (et pour que je dise ça d’une soprane…).
Et Onéguine.
Ha, Onéguine… Grand, ténébreux, tout de noir vêtu, cheveux en bataille et pommette haute de kazakh (en fait il s’appelle James quelque chose donc il est kazakh comme moi mais bon il faisait bien illusion le bougre), et une voix de baryton chaude et profonde comme je les aime… Si bien que Tatiana et moi, ça faisait pas dix minutes qu’il était entré sur scène qu’on mouillait notre culotte. Bon, moi j’ai gardé ma dignité, mais Tatiana est allée direct chouiner dans les jupons de sa niania (qui portait un falzar bariolé, rapport que c’est une répet sans costumes, tout ça, mais bon, t’imagines les jupons). Niania qui n’est pas hyper jouasse, vu qu’Onéguine est un beau connard, tout le monde le sait.
Mais Tatianouchka s’en fout, elle se lance dans sa grande tirade du I, la “scène de la lettre”, qui te fout des frissons aux avant-bras pendant quinze minutes… Enfin, à moi, parce qu’Onéguine lui fait le coup du “c’est pas toi c’est moi, j’ai peur de m’engager, le mariage c’est pas pour moi, le modèle du couple petit-bourgeois vraiment je peux pas”, bref le râteau du siècle.
Tatiana et moi on regardait nos chaussures et on respirait par le ventre pour pas pleurer devant ce salaud, et puis boom, voilà, rideau, fin de la répétition publique, et du premier acte.
Alors voilà, un petit conseil, si t’as l’occasion d’aller voir Eugène Onéguine, fonce.
(moi c’est jeudi 28 mai) (mais je te cache pas que ça se finit pas hyper hyper bien) (si tu veux tu peux lire la pièce de Pouchkine, et ensuite “Mon Pouchkine” de Marina Tsétaïeva où elle s’identifie à Tatiana et livre une analyse autrement plus pertinente que le mienne des rapports entre les deux personnages…)
Categorie :musique Par mes vies Le 9 mai 2015 A 21:38 Commentaires : 19
Anne Sylvestre et moi, c’est une histoire récente. Je pourrais dire que je l’écoutais déjà petite, mais ce serait mentir. Les “fabulettes”, y’avait pas ça chez moi. Ma copine de maternelle en possédait un album, et j’ai dû l’écouter une fois ou l’autre chez elle, je me souviens de ces pochettes, blanches et roses.
Moi, j’écoutais plutôt les “livres-disques”, des histoires racontées, et il fallait tourner la page quand on entendait la petite clochette, “diling-diling”. Et côté musique, à part peut-être les “vieilles chansons françaises” chantées par “Dorothée et ses amis”, parmi lesquelles, souvenir impérissable, “Jean-François de Nantes”, qui me parlait d’un gars de chez moué, Jean-Fran-çoé… , j’écoutais les disques de mes parents, Tri-Yann, Brassens, Ferré, Yves Duteil et les danses hongroises de Brahms. (après ça, vous ne vous étonnerez plus de rien.)
Anne Sylvestre et les Fabulettes sont entrés chez moi à la naissance de Malo : on aimait bien la maison pleine de fenêtres et les mots magiques, mais bon, ça s’arrêtait là.
Bien sûr, j’entendais régulièrement sur France Inter (ai-je déjà mentionné que j’étais une auditrice de France Inter ? Oui, environ 497 fois ? ha, bon) des gens très bien qui disaient avoir beaucoup écouté Anne Sylvestre, mais pas ses chansons pour enfants, non, ses “chansons féministes”. Bon. Je me disais que ça devait faire bien, chez les bobos les auditeurs de France Inter, d’écouter Anne Sylvestre.
Mais moi, j’écoutais pas. Je ne connaissais pas.
Et puis trois chanteurs que j’aime énormément, à savoir Vincent Delerm, Albin de la Simone et Jeanne Cherhal, ont repris ensemble une chanson d’Anne Sylvestre sur l’album de reprise et de duos (et donc de trio, aussi) de Delerm.
“Les gens qui doutent”.
L’accompagnement était tout simple, juste quelques accords au piano.
Et la chanson disait des choses qui m’allaient droit au cœur, et même plus loin, des choses simples et douces et dures qui me donnaient à la fois les larmes aux yeux et le sourire aux lèvres…
Elle disait, entre autre, “J’aime les gens qui doutent, les gens qui trop écoutent leur cœur se balancer; J’aime les gens qui passent, moitié dans leurs godasses et moitié à côté. J’aime leur petite chanson, même s’ils passent pour des cons…
J’aime les gens qui doutent
Et voudraient qu’on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu’on ne les malmène
Jamais quand ils promènent
Leurs automnes au printemps
Qu’on leur dise que l’âme
Fait de plus belles flammes
Que tous ces tristes culs
Et qu’on les remercie
Qu’on leur dise, on leur crie
“Merci d’avoir vécu
Merci pour la tendresse
Et tant pis pour vos fesses
Qui ont fait ce qu’elles ont pu”.
Alors j’ai commencé à écouter cette “petite chanson“, dix fois par jour. D’abord par les trois interprètes de la jeune génération, puis, par curiosité, je suis allée voir du côté de celle qui l’avait créée. Et comme l’internet est quand même un outil formidable, j’ai pu découvrir, de clic en clic, des dizaines d’autres chansons. Toutes aussi belles, toutes avec ce même regard, tendre et goguenard à la fois, sur elle-même et sur toutes les femmes…
Je n’ai pas compris pourquoi on pouvait dire qu’elle était une chanteuse “féministe”. C’est une chanteuse qui chante “Frauenliebe und leben”, “la vie et l’amour d’une femme”, comme Schumann en son temps. Mais mieux que Schumann, parce qu’elle, elle sait de quoi elle parle.
Elle chante le corps, sa “carcasse“; comme toute femme, elle la trouve toujours un peu “trop”, mais nous fait rire au dépend des “minces” dans sa “plate prière“. Elle chante la sexualité, et tous ses aspects : tour à tour “femme du vent“, mère contre sa volonté dans “Rose“, femme violée à travers la métaphore de la “Douce Maison“; elle parle d’avortement dans “non, tu n’as pas de nom“; d’amitié et du “mal de vivre” dans “Thérèse” (et cette intro au cor anglais qui me fout la chair de poule avec sa sixte mineure ascendante…) ou d’amitié et de légèreté dans “famille pour famille“… Passe d’un sujet léger à un sujet grave, chante la condition féminine dans la “Faute à Ève” ou dans la “vaisselle” : “qui c’est qui fait la vaisselle, faut pas qu’ça se perde, qui c’est qui doit rester belle, les mains dans la merde ?”
Une femme qui parle de la vie des femmes, à la fois représentative de son époque, où la parole et le corps des femmes ont commencé à avoir le droit d’exister; et intemporelle, car elle me parle aussi bien aujourd’hui, dans une société où soi-disant je suis “libérée”…
Une mère, une amie, une alter-ego, une femme aux textes simples, aux mélodies légères, à la voix chaude et expressive…
Voilà, moi aussi j’appartiens au clan de ceux qui disent “Moi j’aime Anne Sylvestre, mais pas pour ses chansons pour enfants, plutôt pour ses chansons pour les adultes”. Je ne dis pas “féministes”. Je ne sais pas trop ce que c’est, le féminisme. Et les chansons d’Anne, elles vont bien au-delà d’une idéologie ou d’un combat politique. Elles sont “des” femmes, comme d’autres sont d’une région ou d’un pays. C’est d’ailleurs peut-être pour ça qu’Anne Sylvestre n’a pas connu un très grand succès médiatique, qu’elle ne bénéficie pas d’une reconnaissance unanime, comme Barabara par exemple : une femme qui chante des chansons qui parlent des femmes et des enfants, c’est forcément “mineur”, non ?
Et non, contrairement à ce que mon titre (emprunté à un roman de Julian Barnes) pourrait laisser penser, il ne s’agit PAS d’un billet littéraire ! (admirez l’exploit)
Je reviens d’une exquise semaine dans le Devon (avec petite incursion en Cornwall), sous le grand beau temps, avec des collègues adorables et des élèves agréables…
Visites, balades, randonnée; un port, une station balnéaire, une mine, un manoir victorien, un parc naturel… Et toujours beaucoup de plaisir. Que demande le peuple ?
Je serais bien restée, d’autant plus que nous avons senti toute la semaine monter l’excitation produite par le Royal Jubilee et son week-end de quatre jours : petits drapeaux et fanions à toutes les fenêtres, puis également sur les voitures, et souvenirs de l’évènement dans toutes les échoppes, y compris les plus petites et les plus paumées.
Mais le plus “grand” moment, je l’ai vécu totalement par hasard, comme souvent : le premier jour, en attendant une partie du groupe, nous étions sous un grand écran en pleine rue, disposé là pour la future retransmission des JO, mais qui diffuse en attendant toutes sortes d’informations locales.
Et là, entre les cours de la bourse de Londres et un fait-divers sordide, je vois passer une annonce pour un concert du Europe Chamber Orchestra, à 19h30, le dernier soir, juste dans la ville où nous nous trouvions…
Pour une vingtaine de livres sterling, j’ai donc eu le privilège d’entendre et de voir cet orchestre exceptionnel… En toute petite formation (cordes seules, 5-4-3-2-1), debout (sauf les violoncellistes bien sûr) et dirigés par le premier violons.
J’avais beaucoup entendu parler de cet orchestre, mais j’ai été soufflée par l’énergie et le plaisir qu’ils dégagent. Quand à leur son… Une illustration de l’homogénéité parfaite de cet orchestre : je regardais les premiers violons, quand j’entends un solo d’alto. En quelques millièmes de seconde, je me fais la réflexion : “un solo, dans un divertissement de Mozart ?” et je tourne la tête vers le pupitre concerné… Les trois altistes étaient en train de jouer. On aurait juré n’entendre qu’un seul musicien…
Le programme ne comportait que des œuvres magnifiques : divertimento puis adagio de Mozart, concerto en La mineur de Bach, adagio de Barber et sérénade pour cordes de Tchaïkovsky.
Si on ajoute à ça que le soliste pour le Bach n’avait que 15 ans, mais que sa maîtrise, la précision de son son, et l’enthousiasme de son jeu faisaient oublier qu’il n’était pas plus âgé que les élèves que j’accompagnais, la soirée ressemblait à un concert idéal…
D’autant plus qu’il s’est poursuivi par un petit moment au pub (être en angleterre, une veille de week-end prolongé et ne pas aller au pub, c’est faire preuve d’une méconnaissance totale de la culture anglo-saxonne !), en terrasse le long du port.
Il y a quelques disques qui m’accompagnent depuis toujours. Des disques que j’écoutais, en 33tours, sur la chaine dans la chambre de mes parents, quand j’étais toute petite; et dont je possède aujourd’hui la version CD.
Des disques dont je peux dire qu’il ne s’est pas passé une année entre ma naissance et aujourd’hui sans que je les écoute.
Quelques vieux Tri yann, l’album des Kouerien, les premiers albums d’Yves Duteil. Et celui dont je voulais parler aujourd’hui, un “live” (même si à l’époque personne n’employait ce mot) de Julos Beaucarne : “Au théâtre de la ville, Janvier septante-sept”. Cette captation de concert a donc eu lieu un an, exactement, avant ma naissance.
Je revois parfaitement la grande pochette dans les tons de bleu, représentant un monument quelconque (peut-être le fameux “théâtre de la ville” ? De quelle ville, d’ailleurs ?). Et au milieu, collé là par quelque apprenti graphiste pré-photoshop, la photo la plus incroyable que j’ai vue sur une pochette de disque. Une photo un peu jaune, du chanteur assis par terre, près d’un truc non identifiable (outil ? machine ? Poèle à bois ou à charbon ???), vêtu d’un improbable gilet en jacquard. Une photo comme il en traine dans les albums de famille, ratée, une peu floue, un peu sous-exposée, pas vraiment cadrée…
Une photo qui vient dire le côté simple, nature, presque artisanal de ce concert, de cette musique, de ces chansons.
La pochette du CD est l’exacte reproduction de l’original, sans le moindre travail d’édition. Combien s’en est-il vendu ?
Julos Beaucarne est en dehors de tout ça, chanteur non-commercial, non récupérable, “libre dans sa tête” comme disait l’autre.
Cet album, je le connais par cœur de la première à la dernière note. Comme 12 autres c’est mon album préféré de tous les temps… Une voix, celle de Julos, un violoncelle, une flûte, une guitare, un piano et une voix féminine qui interprète à elle toute-seule “les chœurs de l’armée verte” comme le dit le chanteur en présentant ses musiciens (en 77, à une époque où ça n’était pas la mode de mettre le vert à toutes les sauces…)
Des textes, surtout. Ceux du chanteurs lui-même, poignants, poétiques, engagés, amusés… Ceux de quelques autres, de Victor Hugo à Arthur Trigaux, obscur auteur-compositeur wallon du début du siècle (le 20ème, bien sûr).
Des textes qu’il chante, et d’autres qu’il dit, accompagné ou non des instruments…
Parmi les chansons, les textes, les intermèdes instrumentaux, j’ai du mal à choisir un seul extrait, tant tous me parlent, me touchent, m’amusent ou m’émeuvent.
Les textes sur Périclès ou sur la francophonie, toujours terriblement d’actualité, les chansons amusantes, comme l’oncle Eustache ou la petite gayole, sont de vrais petits bijoux.
Les chansons plus graves ou plus poétiques ont tout de même ma préférence… J’ai “travaillé” avec des élèves la chanson sur un poème de Victor Hugo : “Je ne songeais pas à Rose”, très belle chanson à l’accompagnement parfaitement pensé, à la flûte et au violoncelle, qui endossent chacun le rôle de l’un des personnages du poème.
“Chanson pour Loulou” est une chanson belle, poignante mais toujours optimiste et jamais larmoyante, qu’il a écrite après l’assassinat de sa femme, par un vagabond qu’ils hébergeaient…
“À vous mes beaux messieurs” est une chanson pacifiste et humaniste, que je fais comparer au “Déserteur” par les élèves de 3ème, vu qu’elle s’en rapproche un peu sur la forme (l’adresse directe aux puissants…)
Mais celle qui m’a toujours bouleversée c’est “Lettre à Kissinger”.
Elle raconte de façon crue et factuelle la mutilation et l’exécution publique de Victor Jara, au Chili. C’est une chanson que je ne peux pas écouter sans avoir la chair de poule et les larmes aux yeux, bien que je l’ai entendue déjà des milliers de fois.
Elle nous rappelle qu’aujourd’hui comme toujours, les artistes, les musiciens, les poètes, ceux qu’on dit parfois rêveurs, en dehors du monde et de ses réalités, sont la principale cible des régimes totalitaires… Car comme le chante Yves Duteil,
Vous pouvez fermer vos frontières
Bloquer vos ports et vos rivières
Mais les chansons voyagent à pied
En secret dans des coeurs fermés
La chanson engagée, la chanson politique, la chanson de résistance a encore beaucoup de force et de puissance…
L’accompagnement à la guitare qui monte en puissance de couplet en couplet, les longues tenues au violoncelle contribuent à la tension palpable de cette chanson.
(je parle là de la version concert, celle de “mon” disque. Sur la vidéo, c’est une version album, légèrement différente.)
rencontré la musique de Poulenc, bien sûr. (non, parce qu’il est mort en 1963… soit 15 ans avant ma naissance, quand même)
Donc, si vous m’aviez demandé il y a 10 ans quel est mon compositeur préféré, j’aurais répondu “Poulenc”. 90% par amour vrai et absolu pour la musique de cet homme, 10% par snobisme, parce que répondre Mozart, Bach ou Beethoven c’est bien trop convenu.
Aujourd’hui, je serais bien incapable de donner un nom et un seul. J’aime beaucoup de compositeurs (beaucoup plus qu’il y a 10 ans), et Poulenc fait toujours partie du “groupetto”.
Je pensais que j’avais plus ou moins toujours aimé Poulenc. Mais ce matin, une partie de mon enfance vient de me sauter à la figure (humaine), et je me suis souvenue de ma rencontre avec Poulenc.
(*fin du préambule*)
Quand on m’a prêté pour la première fois un violon, j’étais donc en classe de 5ème, en CHAM, (classes à horaires aménagés musique), je faisais 3 heures de solfège par semaine au conservatoire (époque où le solfège s’appelait encore du solfège… Matière que j’adorais et où j’ai toujours réussi facilement). Cette année-là, j’étais donc en “élémentaire B”, soit 7ème année de solfège (aujourd’hui ça fait vraiment ancien combattant…) et notre manuel de chant n’était pas un de ces recueils édités par Billaudot, mais un ensemble de chants sélectionnés par les enseignants du conservatoire, copiés à la main, et agrafés ensemble sous une couverture bleue unie. En 9 années de solfège, plus 3 années de “sup” pour avoir mon prix, il m’en est passé un paquet, de livres de chant. Mais je ne me souviens que de celui-ci, dont j’ai adoré chaque chant ou presque. C’étaient des chants issus du répertoire, souvent avec les paroles, et toujours plaisants à chanter.
Et c’est dans ce livre-là que j’ai joué mes premières mélodies au violon, parce que les chants proposés étaient assez simples pour mes premiers pas avec cet instruments, et, surtout, qu’ils me plaisaient.
Aussi, en septembre, c’est ce livre-là que j’ai commencé à chercher dans les cartons de partitions, avec pour objectif de rejouer quelques unes des mélodies qu’il contenait et dont j’avais gardé le souvenir. Mais je n’ai pas réussi à mettre la main dessus, ni en septembre, ni en octobre, ni… Jusqu’à ce matin. Cherchant un carton vide pour envoyer des cadeaux de Noël en retard (appelons ça des étrennes), mes yeux se posent sur un carton de livres de solfège, ouvert, en évidence. J’ai dû fouiller dedans déjà dix fois… Pourtant, j’y replonge. “A charm of Lullaby”, “les amours du poètes”, des recueils de mélodies. Et là, juste en dessous… Bingo, le livre à la couverture bleue.
Sur la première page, des indications de coups d’archets et de doigtés, de la main de la camarade violoniste qui s’est chargée de mon initiation à cet instrument.
Je feuillette un peu plus loin, et là : “la reine de coeur”. Une courte mélodie de Poulenc. Et plus de 20 ans plus tard, je suis encore capable de la chanter entièrement, avec les paroles. Et me revient en mémoire, précisément, cet émerveillement en découvrant cette musique, dans cette classe de solfège du conservatoire de Nantes.
Les paroles, d’abord, de Maurice Carême : “mollement accoudée, à ses vitres de lune, la reine vous salue d’une fleur d’amandier. C’est la reine de cœur, elle peut s’il lui plait vous mener en secret vers d’étranges demeures où il n’est plus de portes, de salles ni de tours, et où les jeunes mortes viennent parler d’amour. La reine vous salue, hâtez-vous de la suivre, dans son château de givre aux doux vitraux de lune”.
Ces jeunes mortes qui viennent parler d’amour ont longuement peuplé mon imagination (et ce, bien avant Twilight). Et cette reine séduisante et inquiétant, en un mot fascinante, dont les deux facettes sont merveilleusement illustrée par la musique, par l’accompagnement au piano…
Et ce “final de picardie”, (comme dit mon prof d’harmonie, argentin, qui a des expressions poétiques plein les poches)…
Bref, c’était, je crois, mon premier Poulenc. C’est le premier Poulenc dont je me souvienne, celui qui m’a fait aimer Poulenc.
Depuis, il y en a eu bien d’autres : les “dialogues des Carmélites”, joués à l’opéra de Nantes avec les élèves de la classe de chant, qui reste mon opéra favori (enfin… UN de mes opéras favoris), la sonate pour clarinette et basson, le sextuor avec lequel j’ai obtenu mon prix de musique de chambre, les litanies à la Vierge Noire, les motets avec le petit choeur dont je faisais partie à Toulouse… Poulenc est l’un des musiciens les plus présents de ma vie de musicienne.
J’ai bien conscience que parler de Poulenc sur un blog qui fut initialement un blog de tricot risque fort de semer la confusion parmi mon lectorat. D’ailleurs, ce matin, en retrouvant mon livre bleu et mon premier Poulenc, comme les mots de ce billet se formaient dans ma tête, je me disais que c’était un peu ridicule, que ça n’intéresserait que moi.
Et puis… Et puis j’ai réalisé que demain, nous serions le 7 janvier. Le 7 janvier, anniversaire de la naissance de Poulenc. (il y a deux musiciens dont je connaisse la date de naissance, Poulenc et Mozart. Pourquoi ? parce que les deux sont nés au mois de janvier, comme moi… )
“f’est un figne !!!” disait à tout bout de champs mon premier prof d’harmonie, féru de coïncidences numériques.
Donc voilà, un billet (un de plus) qui n’intéresse que moi, en ce jour anniversaire de la naissance de Poulenc… Avec en bonus Felicity Lott qui chante la “reine de coeur”. J’ai bien cherché une version sur youtube, mais je n’y ai pas trouvé mon bonheur (interprétation horrible, ou prise de son horrible, ou les deux le plus souvent…)
Éléa me dit “moi, je tire la langue à tous ceux qui ne sont pas de notre famille !”. “Ha bon ?” je réponds distraitement, et elle de commencer à énumérer les membres de sa “famille” : “Oui, moi je tire la langue à tout le monde, mais pas à toi, à papa, à Malo, à Alban, à grand-père et grand-mère…”
(enfin sur la photo, on constate que si elle ne tire pas la langue à Alban, en revanche elle semble prête à lui montrer ses crottes de nez… )
Finalement “famille”, c’est comme “photo”, ça peut désigner plusieurs choses différentes. De toutes façons on (et je) me reproche de ne pas avoir “l’esprit de famille”, je laisse se défaire des liens “du sang” par flemme, par négligence… Par manque d’affinités parfois aussi. GérardKlein est peut-être pire que moi, dans ce domaine. Des années et des années qu’il n’a revu aucun de ses cousins germains. En revanche, notre attachement indéfectible à certains cousins au trente-douzième degré, que nous appelons tous les mois, que nous visitons au moins une fois par an, prouve (enfin, est-il besoin de prouver ce qui est un parfait cliché…) que la famille “proche” l’est avant tout par l’affection qui est portée, plus que par la proximité du degré de parenté…
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Revoir les vieux amis, (je n’ai pas l’âge d’avoir des “amis de trente ans”, mais j’ai déjà des “amis de 15 ans”, oh la vache) ça a ça de bon qu’on peut se remémorer pour la énième fois nos anecdotes communes sans jamais se lasser. Et comme on essaie, malgré les kilomètres, de ne pas laisser passer trop de temps sans se revoir, on rajoute chaque année ou presque des épisodes à la saga amicale. Les fous rires de l’année dernière font déjà partie de l’histoire. Les sujets de conversation de cette année nous reviendront en mémoire l’année prochaine, il suffira d’un mot pour qu’on se comprenne.
C’était le nouvel an, mais qu’importe, ça pourrait être le 24 novembre ou le 16 février. D’ailleurs, on était tout le temps dehors, on a même déjeuné au jardin, ça aurait aussi bien pu être en juillet.
On a fait du feu, et pas seulement pour griller les magrets. On a bu du vin, on a mangé du gâteau (une débauche de gras et de sucre, en passant), des huîtres. On a raconté les bêtises habituelles. Et tout ça avec un petit goût de dernière fois, puisque c’était là dernière fois à cet endroit là.
Et quand on a repris le chemin de la maison j’avais un peu de chagrin.
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Et tout le temps, j’avais dans la tête cette chanson de Sheller, “revenir bientôt”, surtout quand nous avons fait notre pèlerinage dans le quartier de Toulouse où nous avons tous vécu à l’époque où nous étions étudiants, avant la naissance de nos enfants…
Des papiers légers s’envolent encore dans la ville
Et je suis déjà loin devant
Du haut de ta rue vers les jardins tranquilles
Et leurs chemins de sable blanc
Je marche au soleil qui refait le monde
Chaque jour d’un ciel nouveau
Comme un nuage va ma vie vagabonde
Comme un mirage au fil de l’eau
J’ai tant besoin de revoir tant d’images
Dont la mémoire me fait défaut
Je vais reprendre un déjà bien long voyage
Dont je ne pense pas revenir bientôt
Les oiseaux légers qui se forment en file
Se laissent emporter par le vent
D’ici la route est un peu plus difficile
Au fil des jours au gré du temps
Je vais sous la pluie qui nourrit le monde
Et se perd dans les ruisseaux
J’entends les histoires du tonnerre qui gronde
Et pleure au long des arbres hauts
Etait-ce utile de rester davantage
Fallait-il se dire à tantôt ?
Je vais reprendre un déjà bien long voyage
Dont je ne pense pas revenir bientôt
Si d’aventure j’ai laissé quelques traces
Elles s’en iront comme tout là-haut
Les longs traits blancs derrière les avions qui passent
Oh je ne pense pas revenir bientôt
J’ai beaucoup trop souffert sur fond des “Anges dans nos campagnes, GLOOOOOOOOOOOria” ou de “douuuuuuuuuuuuce nuit”, je suis un peu allergique aux chants de Noël (surtout mal chantés par des chorales d’amateurs dans des églises glaciales.)
Mais bon, il reste quand même ça et là quelques chants qui n’ont pas été gâtés dans ma mémoire par de trop nombreuses auditions et une intonation quelque peu… imprécise (dirons nous). Celui-ci, par exemple.
Joyeux Noël à tous, que vous soyez plutôt “Videntes Stellam” ou plutôt “Petit Papa Noël”, plutôt dinde aux marrons ou plutôt toffu mariné, plutôt iPhone4 ou plutôt gilet tricoté main (avec deux trous plus grands pour les bras).
Categorie :musique Par mes vies Le 24 décembre 2011 A 13:04 Commentaires : 0
De tous les genres musicaux, et artistiques, celui qui me touche le plus, c’est la chanson. Je suis toujours béate d’admiration devant ceux qui, en trois minutes, sont capables d’installer un univers, de raconter une histoire, de vous fredonner une mélodie qui vous restera en tête.
La chanson, c’est la quintessence de tout ce que j’aime, un condensé, une huile essentielle en somme. D’abord, un texte: une bonne chanson (ou même une chanson “moyenne”) est capable de vous raconter en 4 couplets et un refrain une vie entière, ou une tranche de vie, de vous emporter là où vous n’êtes jamais allé, ou, au contraire, de mettre les mots précis sur une émotion ou une expérience qui vous semble n’appartenir qu’à vous…
Ce texte, à côté duquel vous passeriez peut-être s’il était un parmi d’autres dans un recueil de poèmes, est porté par une mélodie, et chaque syllabe vous va droit au cœur, portée par la “bonne” note.
Pour que l’alchimie fonctionne parfaitement, il faut aussi une voix, une voix de préférence pas trop puissante, pas trop lyrique, très expressive, mais qui vous parait “naturelle”.
La “bonne” chanson, elle coule toute seule, et quand on l’entend, on se demande comment il est possible qu’un(e) autre l’aie “trouvée”, et pas vous. Alors qu’à l’évidence, elle parle de vous. Elle ne parle que de vous. Ne parle qu’à vous.
Ou elle décrit une situation que vous voyez tous les jours, et qui, d’un coup, à l’audition de la chanson en question, prend sens, prend “chair”.
J’ai une admiration illimitée pour les auteurs compositeurs qui parviennent à créer ces petits miracles… Et spécialement pour ceux qui renouvellent l’opération à l’envie.
Je prenais conscience de ça encore une fois, ce matin, en écoutant pour la première fois depuis bien longtemps peut-être mon album de chanson préféré (oui je sais, j’ai 7 ou 8 albums préférés… ça change au gré de mon humeur) : épures, de William Sheller. Une voix, sans artifice, une voix dont on se dit qu’on “pourrait chanter comme ça”, en l’entendant. Des textes poétiques, ciselés, pleins de nostalgie, de mélancolie, qui tournent tous autour du thème le plus rebattu du monde (l’amour perdu). Et un seul instrument, le piano. Dont les harmonies m’ensorcèlent, littéralement.
[et là, depuis cinq minutes je m’interroge : quelle est ma chanson préférée de cet album ? impossible de vraiment faire un choix… Peut-être revenir bientôt ? avec son intro chromatique au piano, sa deuxième voix à la tierce, ultra traditionnelle mais ô combien efficace, et, toujours chez Sheller, la poésie du texte :
“Etait-ce utile de rester davantage
Fallait-il se dire à tantôt ?
Je vais reprendre un déjà bien long voyage
Dont je ne pense pas revenir bientôt
Si d’aventure j’ai laissé quelques traces
Elles s’en iront comme tout là-haut
Les longs traits blancs derrière les avions qui passent
Oh je ne pense pas revenir bientôt” ]
Même des chansons très populaires, qui jouent sur des ressorts musicaux et poétiques un peu “faciles”, peuvent avoir un pouvoir d’évocation très fort… Je pense à certaines chansons de Goldman, dont je n’ai jamais été très fan (contrairement à GérardKlein), mais à qui je reconnais un sens de la formule, de l’image, et de la mélodie pour le moins très efficaces.
Par exemple, la vie par procuration, qui nous dresse en quatre vers un portrait juste et sensible, et qui me revient toujours à l’esprit quand je croise certaines silhouettes, ou que de ma chambre j’aperçois les immeubles du quartier… “Elle met du vieux pain sur son balcon, pour attirer les moineaux les pigeons. Elle vit sa vie par procuration, devant son poster de télévision”. Encore une fois, la musique est indispensable, qui nous projette par son rythme lancinant dans cette vie sans relief…
Des chansons qui nous touchent, il y en a des centaines. Pour ma part, j’en trouve chez presque chaque chanteur, même ceux qui (par ailleurs) m’exaspèrent, même ceux qui produisent 99% de soupe, chez les chanteurs commerciaux, chez les chanteurs intellos… La liste des chansons que j’aime est tout simplement interminable je crois.
Et quand j’aime une chanson, (ou un chanteur), je n’ai qu’une envie : la faire aimer à tout le monde. Cette (longue, bien sûr…) introduction afin d’ouvrir une nouvelle catégorie, dans laquelle j’ai envie de parler des chansons que j’aime.
Et pour commencer, j’avais envie d’évoquer tout un album, de Bénabar, un album sans titre (sans autre titre que le nom du chanteur, en fait), paru en 2001.
Sur cet album, 12 chansons, petits textes inspirés du quotidien et accompagnés de cuivres, d’un piano, de quelques percussions…
“bon anniversaire”, et “y’a une fille qu’habite chez moi”, d’abord, qui évoquent le passage à l’âge adulte, la charnière entre l’adolescence qui traine en longueur et le moment où on commence à vivre comme un adulte, sans avoir vraiment l’impression d’en être un…
“vélo”, petite chanson sur un enfant qui essaie d’apprendre à faire du vélo sans petites roulettes. Une petite chanson qui n’a l’ai de rien, mais dont l’accompagnement pourvu uniquement par le piano et la contrebasse, vaut l’écoute à lui seul.
Et (pour moi) la plus belle et la plus intéressante : Majorette.
D’abord, c’est une chanson à trois temps. Et c’est assez rare pour être souligné. (99% des chansons sont à quatre temps. Oui, ce soir, je suis à fond dans les pourcentages.)
C’est un musicien de la fanfare qui parle, qui nous décrit un défilé dans le village, avec les majorettes. Ce musicien est un peu l’idiot du village, mais il est amoureux de la plus jolie des majorettes, qui ne lui accorde pas un regard, puisqu’elle est fiancée à un militaire, qui a un “vrai” uniforme, “un de l’armée de l’air”. Celui qui parle aurait bien voulu en porter un, lui aussi, mais “la patrie et Nadège, elles veulent pas de moi”.
On y entend au début, la fanfare jouer une musique gaie et entrainante; puis, lorsqu’on découvre la “vérité” sur le pauvre amoureux transi, la musique cesse, la brusque rupture de rythme est là pour accentuer le côté pathétique du texte. La dernière partie de la chanson nous montre le “délire” de l’idiot, qui se rêve d’abord marié avec Nadège, mais devant l’impossibilité de cette union, finit par souhaiter de tout gâcher : “j’voudrais tous qu’ils crèvent, avec leurs vrais uniformes… j’vais faire des fausses notes, j’suis bon à rien, la preuve : j’ramasse les feuilles mortes…”, le tout sur une valse qui accélère jusqu’à devenir endiablée.
Ici on trouve vraiment tous les ingrédients qui m’intéressent dans une chanson, un texte très simple mais si imagé qu’ils nous plonge au cœur de la psyché de ce pauvre “bon à rien”, rejeté et moqué par les enfants et les jolies filles; et un accompagnement musical parfait, original (pas la touche “disco” du Bontempi, quoi…) et qui, sans qu’on s’en rende compte à la première écoute, nous guide, nous conduit à travers les émotions.
J’étais un peu trop sûre de moi, le système un peu trop bien rôdé. Aussi ce matin, jour de ma fête comme tous les ans à peu près 23 jours avant Noël, quand j’ai ouvert le paquet carré et plat, je pensais bien y trouver le CD de Baptiste Trotignon dont j’avais envoyé les références à GérardKlein au moment où je l’avais découvert (Trotignon, hein, pas GérardKlein. À l’époque, les e-mails ça n’existait même pas, d’ailleurs.) Mais en fait, non : le mail était trop ancien, et il a été effacé lors d’un grand (et peut-être un peu trop enthousiaste) nettoyage de sa boîte mail. (donc, QUINZE JOURS avant ma fête, c’est le bon moment. Un mois et demi avant, c’est trop. À retenir pour l’année prochaine.)
À la place, le dernier Voulzy.
J’ai beaucoup d’affection pour Laurent Voulzy, j’aime sa musique, et longtemps Avril a été mon album favori du monde.
Mais j’aime bien avoir pour ma fête rien qu’à moi un cd rien qu’à moi. Or là, il est évident que “mon” Voulzy va tourner en boucle dans la voiture, dans laquelle je ne suis pas, la plupart du temps…
Bon, je vais toucher mes HSE d’octobre, normalement. À nous deux, Trotignon.
Voilà, Malo est rentré vendredi de son cours de violon avec son petit demi. Au premier regard, je l’ai tout de suite trouvé louche. D’abord, absolument dégoûtant. Des traces de doigts bien grasses partout. Des restes de colle sur la touche (là où le précédent prof avait dû coller les petits scotchs qui indiquent où placer les doigts…).
Les cordes plus qu’usées… Deux cordes à changer en urgence, deux autres vraiment fatiguées. Une mentonnière en plastique (alors certes, je vous l’accorde, un élève qui prend un demi-violon ne va vraisemblablement pas travailler 2 heures par jour, et donc même avec une mentonnière en plastique, il y a peu de risques qu’il se face un abcès au cou, mais bon… Même en 10 minutes, on sent bien la différence entre le contact de l’ébène et celui du plastoque.)
L’attache-cordier en boyau : le truc qui, forcément, un jour ou l’autre, va péter. Et donc envoyer valdinguer toutes les cordes, le chevalet, et l’âme.
Mais bon, un violon d’école de musique, on ne va pas trop faire la fine bouche. Le violon est dans une boîte pourrie, décollée, déformée, dans laquelle il faut appuyer “bien fort” pour faire entrer le violon… (sic. Le genre de truc que je ne dirais pas, personnellement, à un garçon de 7 ans. Parce que pour appuyer “bien fort”, il appuie “bien fort”. Si il pète le violon en essayant de le loger dans sa boîte, faudra pas venir se plaindre…)
Et, cherry on the cake, on vous loue le violon, mais il faut acheter l’archet. Le prof nous envoie au magasin de musique de la ville, où on trouve des archets “à 25 euros”. Ahem. Le prix d’une mèche, c’est 50 euros. L’archet qui vaut moins cher qu’une mèche, c’est donc mathématiquement impossible. “Si si, ce sont des archets chinois. Mais bon, pour débuter…”.
Oui mais non. C’est trop pour moi. Du coup, ce matin, 30 minutes de train et 5 minutes de tramway, me voilà rendue dans l’atelier de mon luthier préférée. (le e n’est pas une coquille, mon luthier préférée est une femme luthier.)
Je lui montre l’engin, lui expose mes réticences, et lui demande un demi-archet.
Et là, outre tous les menus détails que je lui avais désignés, elle me montre le “gros” problème de ce violon : la touche est décollée, sur 15 cm environ. L’instrument n’est donc pas jouable…
Je lui ai loué un demi-violon, en parfait état, avec une boîte propre, des cordes neuves, un archet à la mèche neuve, pour environ 30% plus cher que ce que ça me couterait à l’école de musique pour un instrument pourri… (et un an de location = pas loin du prix de l’archet, or qu’est-ce que je fais de mon archet 1/2 quand Malo passera au 3/4 ??) Sachant que lorsque je lui achèterai un violon (si Malo continue le violon), un trimestre de location par année de location me sera déduit de mon achat. Alors certes, 40 euros, ou même 80 si on loue deux ans, sur le prix d’un Guarnerius del Gesù ou d’un Vuillaume comme celui de Hilary Hahn (mon idole du moment), c’est peu; mais 80 euros c’est le prix d’un archet français “premier prix”…
Bref, le violon chinois (ou l’archet chinois) ne passera pas par moi. Je refuse d’acheter un archet chez un marchand de musique qui ne sait ni comment l’entretenir ni comment le réparer en cas de problème. Je refuse d’acheter un violon ou ses accessoires chez un “marchand”.
Et je persiste à croire que le premier plaisir du violoniste, c’est de tenir dans ses bras un objet magnifique, de le traiter avec tous les égards qu’il mérite, de se dire que celui qui l’a fabriqué de ses mains y a mis tout son cœur, tout son savoir-faire.
En même temps qu’on me prêtait mon premier violon (j’avais 13 ans) j’ai lu Les Violons du roi de Jean Diwo : c’est la biographie (romancée, très romancée même) d’Antonio Stradivari (dit Stradivarius). C’est passionnant, même sans forcément s’intéresser au violon (je ne pense pas que Jean Diwo soit musicien ni particulièrement mélomane). Il raconte l’histoire d’un artisan, dans la Crémone du XVIIIème siècle, qui a révolutionné son art, sans réellement l’avoir projeté, seulement par amour de son travail, amour du bois dans lequel il sculptait ses violons, désir d’atteindre la perfection… Cette lecture et mon stage de 3ème dans l’atelier de mon luthier préférée m’ont pour toujours envoutée, et pour moi, un violon n’est pas un simple objet, mais il a une dimension presque sacrée…