mes vies

blog multidirectionnel : mes vies de mère, de prof, de musicienne, de lectrice, de promeneuse, de dilettante en tout et spécialiste en rien… Et même mes vies de cuisinière, couturière et tricoteuse !

 

“Au chat botté”

C’est une scène assez surréaliste, vécue ce matin même dans un magasin de chaussures, qui me redonne l’envie d’écrire quelque chose ici…

Mais d’abord il faut que je raconte ce qui m’amène dans ce magasin de chaussure. (oui, le besoin d’une nouvelle paire, tu l’avais deviné, perspicace que tu es…) : cette année je réalise un vieux rêve, aller bosser en train. (oui certains de mes rêves ressemblent aux cauchemars des autres, mais bon que veux-tu, il en faut pour tous les goûts, comme disait ma grand-mère (pas la pute, la collabo, comme disait quelqu’Un). Bosser en train, je sais pas, j’en rêve depuis longtemps, m’installer dans le siège confortable, sortir mon bouquin, voire mon tricot (deux heures par semaine, à Pâques j’ai une paire de chaussettes, non ?)

Bon, donc cette année, l’occasion se présente. J’ai le choix entre user ma kangou jusqu’au bout (elle a déjà 250 000 km au compteur, et je ne compte plus les bruits bizarres ni les allumages intempestifs de voyants…), ou prendre le train, je préfère donc le train, conformément au slogan de la SNCF.

Et certes, je ne suis pas déçue. Les TER sont confortables, pendant un quart d’heure chaque matin et chaque soir à 13h30 (oui ben ça va, ho !!! je fais des heures sup cette année, en plus !!), je peux bouquiner, ou écouter les nombreux podcasts qui se sont accumulés dans mon iTunes, tout en buvant mon thé grâce à ma fidèle mug isotherme… C’est vraiment chouette.

Ce qui est un peu moins chouette, c’est qu’avant le train, j’ai aussi un quart d’heure de bus (et là, tu bois pas de thé sinon tu t’ébouillante à chaque cahot, tu ne lis pas parce que sinon tu vomis, et tu ne tricotes pas sous peine d’éborgner un de tes voisins, même si tes double-pointes sont des “courtes” spéciales chaussettes, justement. Reste donc le podcast dans les oreilles, j’en sais plus que je ne le voudrais sur la Fantaisie et Fugue sur BACH de Liszt, une émission d’une heure trente  comparant la version pour orgue et celle pour piano, décortiquant chaque phrase…); mais le bus, ça va encore : dedans, on est au sec.

Le pire vient APRÈS le train (ou avant quand je rentre du collège, faut suivre un peu aussi) : vingt minutes de marche au pas de charge. Sous la pluie. (oui, sous la pluie, SYSTÉMATIQUEMENT.)
Autant j’aime marcher, et je suis capable de marcher des heures. Autant marcher à ce rythme-là, c’est plus vraiment de la promenade. Surtout avec un gros cartable dans une main, et un petit sac dans l’autre. (oui, le petit sac est indispensable : je les mets où, sinon, mon lecteur MP3, ma mug isotherme et mon bouquin, indispensables à mon bien-être pendant le quart d’heure de train, mmh ?) (ben non, ça tient pas dans mon cartable ! Sans compter que la dernière fois que j’ai essayé, j’avais mal fermé la dite mug, qui est fort étanche quand on verrouille son couvercle, mais qui, sans ce petit clic anodin, a déversé environ une tasse de café sur mes cahiers, partitions, listes de classes, etc…).

Aucune de mes trois paires de godillots ne s’est révélée vraiment étanche (et contrairement à la mug, elles ne disposent pas du petit “clic” de verrouillage anti-pluie). Je frôle donc la mort chaque jour, en faisant 4 (et même une fois 7 !) heures de cours les pieds dans des chaussettes trempées.

Les trois paires, pourtant vieilles comme mes robes, et beaucoup plus souvent portées que celles-ci, me font des ampoules aux pieds quand je les soumets à ce rythme intensif. Et mon budget chaussettes risque d’exposer, vu que les même chaussures, non contentes de me déchirer la peau des orteils, s’attaquent également au tissu qui les recouvre…

Ha, perspicace lecteur, tu commences à voir le rapport avec l’introduction de ce billet…

… et oui, je me suis donc mise, en ce jour sans cours pour moi, en quête du graal : la paire de pompes confortables, imperméables, chaudes, et, last but not least, élégantes. (en tout cas, portables au collège.)

Oui, ben je te la fais courte : ça n’existe pas. (du moins pas dans cette galaxie)

J’ai écumé les boutiques du centre, les branchées, les cheaps, les “normales”, et je n’ai pas vu grand chose qui y ressemble, même de loin.

J’ai tout de même poussé la porte d’une boutique, et saisi une paire de godillots à lacets, noirs, fourrés d’une espèce de moumoute blanche, qui crie “confort” et “chaleur”. La chaussure de démonstration dans la main, j’alpague une vendeuse, et lui demande si je peux essayer cette paire dans ma pointure. (41) (Si, c’est important pour la suite). La vendeuse me regarde, choquée : “C’est pour vous ?”

(moi, in petto : “Non, j’essaye des chaussures pour ma sœur. C’est con, par contre, elle chausse du 38″). Je confirme donc à la vendeuse que oui, j’ai bien l’intention de les essayer “pour moi”.

Et là, attention, la réplique qui tue : “Heu, mais c’est un modèle homme, ça”.

Et pan, dans mes dents !!! Non mais ho, ça va pas la tête ? Où va le monde si on se met à acheter des chaussures qui sont pas prévues pour notre sexe ?? Attend, bientôt tu vas voir des jeunes qui vont vouloir acheter des Mephisto, des mamies en Converses, et des jeunes de banlieue en mocassins à glands !

Je demande donc, (une pointe d’agacement dans la voix) “Et au rayon femme, vous en avez, des bottillons fourrés, comme ça ?”

La vendeuse jette un regard vers ses piles de boîtes où s’étalent des ballerines (noires, bleues, oranges, cloutées, élastiquées, avec un nœud, vernies…), des escarpins, et des bottes cavalières à talon, puis avoue que, non, elle n’a pas ça. (elle n’ajoute pas qu’à son avis, ainsi qu’à celui de tous les décideurs de la marque, une femme ne devrait pas porter d’écrase-merdes fourrées, mais uniquement de légères ballerines, même si elle marche 40 minutes par jour, à toute vitesse, sous la flotte, et que par conséquent elle risque de flinguer une paire par semaine au moins).

“Bon, alors tant pis, je vais quand même essayer celles-là, même si elles sont “pour homme”.

(et non, je ne les ai pas prises, mais le fait qu’elles soient “pour homme” n’a pas pesé dans ma décision, folle que je suis…)

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Le 17 octobre 2013
A 12:19
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courir

Le rose, c’est ma couleur. (non je ne ressemble pas à une grosse guimauve, c’est une idée).

5 km, c’est ma distance. (un pas de plus et je meurs.)

Et quoi de mieux, pour occuper son dimanche après-midi quand on a dansé au fest-noz jusqu’à une plombe du matin le samedi soir ? (à part, peut-être, un bouquin, un fauteuil, un plaid et une tasse de thé…)

Bref, ne me demandez pas pourquoi, je n’ai aucune bonne explication à cela. Mon histoire avec la course a très mal commencé, quand en 6ème j’ai fait un seul tour au lieu de deux au cross du collège (bien sûr ce n’est pas moi qui avait eu l’idée, mais j’ai vite compris ce que mes copines faisaient là, cachées derrière un bosquet…).
Tout aurait pu en rester là, mais ma conscience (ou mon surmoi hypertrophié), plus la pression des copines qui ELLES avaient couru le cross en entier et s’étonnaient *un peu* que moi, l’asthmatique qui marchait pendant les séances d’endurances dans la cours du collège, je puisse me retrouver devant elles au classement, m’ont convaincue d’aller me dénoncer à la prof d’EPS. Qui m’a infligé les 4 seules heures de colle de mon existence.

(l’année d’après, tu penses bien que j’avais une dispense en “bon uniforme” -comme dit mon principal-).

Voilà, plus de 20 ans après le traumatisme, je m’aperçois que finalement, courir, c’est facile. (enfin presque). Il suffit de jeter un pied devant l’autre, et de recommencer. Et SURTOUT de ne pas penser.

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Le 21 octobre 2012
A 17:30
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Glop et pas glop

Un mercredi tout en dents de scies…

Dans la série “pas glop”, d’abord : des rendez-vous manqués, des contretemps, des disputes et de l’énervement chez les enfants, qui ont aboutit à un nez ensanglanté… Le genres d’enchaînements qui vous font penser qu’il y a VRAIMENT des jours où on ferait mieux de rester coucher.

Mais du côté des glop, il y a :

- la technologie.

Il y a quelques années, quand vous entendiez le début d’une émission passionnante à la radio, mais que vous étiez obligé d’interrompre votre écoute - pour par exemple, aller accompagner votre enfant à un anniversaire, mais l’anniversaire en question était annulé et personne n’a réussi à vous prévenir, cf plus haut, un tour pour rien dans le grand froid-  il vous restait soit l’option “grande ténacité” : écrire à la radio pour se faire envoyer une cassette, soit l’option “tant pis, quel dommage, mais tant pis, halala, quand même c’est ballot, mais bon, tant pis”.

Aujourd’hui, j’entends trois mots à la radio avant d’être obligée de sortir, 3 mots qui sont une madeleine précieuse : un bout de chronique dans l’émission “la tête au carré” (oui je sais je n’écoute plus France Inter, mais sur l’autoradio ça m’arrive encore) où le journaliste parle d’un livre, “Qu’est-ce que la philosophie antique?” de Pierre Hadot. Or ce livre est le premier livre traitant de philosophie que j’ai lu, il figurait en tête de la bibliographie fournie par mon bien-aimé prof de philo de terminale. Mes souvenirs de cette lecture sont plus que lointains, mais entendre prononcer ce titre à la radio m’a ramenée à ce prof, à cette année de terminale, au lycée…

Du coup, je voulais absolument écouter cette chronique, et de retour à la maison, 3 clics ont suffit (le podcast est là, pour mon seul lecteur susceptible d’être intéressé). (Oh, tiens, dans le lien il y a une faute à Hadot, qu’ils ont orthographié “Adot”, du coup ça m’a fait douter et il a fallut que j’aille vérifier. C’est bien Hadot, 18 ans après mon année de terminale je sais toujours l’écrire, alors que je ne saurai JAMAIS orthographier colonne du premier coup.)

Le bonheur, c’est simple comme un podcast. (et bien évidemment, j’ai ressorti mon exemplaire un peu jauni, avec la ferme intention de le relire…)

- les élèves de troisième.

Je me rends compte à quel point la relation aux élèves change du tout au tout, quand on les a pour la deuxième année. Quand on se connait déjà. Comme on se passe, mutuellement, beaucoup plus de choses. Comme les relations sont plus détendues, moins empreintes de “lutte de pouvoir”, comme je ne cherche pas du tout la même chose avec eux qu’avec les autres.

Tous les profs dont je me souviens parlaient, rarement pour certains, tout le temps pour d’autres, d’eux-même. C’est quelque chose que je n’avais jamais fait (jamais eu conscience de faire) l’année dernière, mais que je fais avec ces 3èmes que je commence à bien connaître. C’est amusant. Je croyais que je gardais cette distance “par choix”, parce que c’était ce que je voulais vraiment, être une prof “objective”, dépersonnalisée, désincarnée… Mais en fait, pas du tout.

Et ce matin, commencer à parler de Boris Vian, puis dévier sur les Zazous, puis de façon plus générale sur la façon qu’ont les adolescents et les jeunes adultes de se “démarquer” de la culture “adulte” dominante en s’adonnant à une contre-culture, à une mode qui leur soit propre, pour terminer par leur expliquer que leurs pantalons en bas des fesses ne sont pas plus subversifs, ni moins d’ailleurs, que les pantalons trop longs des zazous… Que suivre une mode qui déplait aux adultes (qui la jugent ridicule, ou choquante) est une constante de l’adolescence depuis au moins les années 20. (je n’intéresse jamais autant les élèves que quand je parle de choses totalement étrangères à ma matière…)

Et là, la question qui tue : “et vous, madame, vous avez suivi la mode quand vous étiez adolescente ?” (apparemment, à me regarder, ça ne semble pas évident pour eux 1) que j’ai pu avoir une adolescence et 2) qu’éventuellement, j’ai pu arborer le moindre signe de rébellion à l’ordre institutionnel, à un quelconque moment de ma vie.) Donc, j’ai répondu que oui. Que je m’habillais tout en noir. (silence consterné des élèves). “Heu… comme maintenant, quoi !”. (ah ben non, regardez. J’ai un collier coloré et un sous-pull violet foncé qui dépasse presque de mon gilet noir.)

Mais d’un coup, j’ai réalisé que j’avais parlé *de moi*. Qu’on avait eu une discussion, un échange. Que certains avaient peut-être réfléchi (au sens que ça peut avoir, la mode, l’adolescence, à la portée “réelle” de toute contreculture…)

Voilà, ça a “fait ma journée” comme on dit en anglais. Il en faut peu pour transformer une heure de cours en une “bonne” heure de cours, et quand ça arrive, c’est quand même chouette.

(dans l’autre établissement, celui où je ne suis que depuis septembre, lundi des (enfin un, sans doute) élève(s) m’a ou m’ont piqué mes gants, que j’avais mis à sécher sur le barre sous le tableau. Le genre de geste qui vient ruiner une journée… )

Categorie : moi, livres, education
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Le 1 février 2012
A 16:32
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vacances colorées

Les vacances. 100% des profs vous affirmeront qu’ils ne “font pas ce métier pour les vacances”. Et c’est vrai. C’est l’inverse, en fait : sans les vacances, on ne pourrait pas faire ce métier. La dernière semaine avant les vacances est souvent un calvaire. L’ascension vers le Golgotha, sans Simon de Cyrène, et avec des planches à clous en guise de semelles.

Alors pendant les vacances, on souffle un bon coup, et avec un peu de chance on oublie tout. Ou presque. (par exemple, on essaie d’oublier les 90 et quelques copies qui vous pèsent sur la conscience, juste là, dans le cartable… ).

On oublie Roberta et ses ” ‘Toutes façons, moi je suis là depuis 4 ans et toi tu débarques, alors on verra bien qui partira la première !”. On oublie Cindy et ses “Ho ! Vous vous prenez pour qui, pour me commander ? Pour ma daronne ???”. On oublie Stella et ses “Okayyyyyyyyy !” excédés, assortis d’un bon levage d’yeux au ciel, à chaque fois qu’on lui demande d’arrêter de parler à voix haute avec sa voisine, voire de sortir éventuellement un cahier et un stylo et de ranger du même geste son miroir de poche…

On oublie Kennedy qui arrive systématiquement 10 minutes en retard, sans aucun mot d’excuse, et qui va pourrir le cours pendant les 50 minutes qu’il y passera… (ou, plus probablement, les 20 minutes, au bout desquelles je nous soulagerai tous les deux en le virant).

Et on profite. De revoir des amis, pas vus depuis quelques temps, longtemps ou très longtemps. De ne pas s’occuper des enfants, qui s’occupent très bien tous seuls et ne se rappellent à notre bon souvenir que lorsqu’ils meurent de faim (bon, OK, c’est quand même assez souvent…). De se laisser un peu vivre, de relâcher la pression, la tension. Avant de retourner dans l’arène (où je suis, bien entendu, le primo-chrétien face à 27 lions qui ne mangent que du yaourt et de la salade depuis 8 jours.)

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(Sud-sud-sud Bretagne. Ou Nord-Pyrénées. À chacun sa vision de la géographie. Toussaint 2011 - le réchauffement climatique est à l’œuvre, et c’est pas pour nous déplaire.)

Categorie : scène de la vie de famille, moi, photo
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Le 4 novembre 2011
A 20:50
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10 ans

10 ans.

Pourtant je n’ai pas entendu ce matin à la radio évoqué ce triste anniversaire. Il y a dix jours, tout france-inter s’installait à New York pour commémorer les attentats sur les tours. Se souviendra-t-on aujourd’hui qu’il y a dix ans, au sud de Toulouse, une explosion causait la mort de nombreuses personnes, paralysait la ville une journée entière, plongeait ses habitants dans la panique, le temps de comprendre ce qui s’était réellement passé ?

Que durant des mois, des années, les cicatrices seraient visibles, palpables, sur les façades des immeubles même loin du lieu précis de l’accident ?

Je me souviens de ce jour-là, je me souviens de l’état étrange dans lequel nous étions, abasourdis par ce qui venait de se passer à New York. Le souffle, le bruit de l’explosion, nous l’avons parfaitement senti à Blagnac où je travaillais à vendre de la création électroacoustique à des élites pas très intéressées. Trois dalles de polystyrènes sont tombées du faux-plafond, on s’est tous regardés, on a tous pensé “c’est une bombe”.  Alban est monté au plus haut du bâtiment, il voyait la fumée noire, là-bas, loin, de l’autre côté de la ville. Très vite les bruits ont couru, tous contradictoires. Une bombe, un accident, une explosion, plusieurs explosion… Nous avions trouvé une radio, les gens étaient tous dans les couloirs, inquiets, ignorants, spéculants… Je me souviens de cette femme qui pleurait parce que son mari travaillait là-bas, “à Lonia”. Je n’avais jamais entendu parler d’AZF, par contre je savais que tout le monde disait qu’un jour, “ça finirait par pêter, à Lonia”.

Je me souviens de la circulation qui était entièrement coupée, des messages à la radio contradictoires sur la présence ou non d’un gaz toxique, sur la nécessité ou non de se confiner.

Je me souviens que nous sommes tout de même parti à pied, Fred avait laissé son camion à Blagnac. Nous habitions dans le centre ville, on voulait juste rentrer chez nous. Quitte à attendre sans rien savoir, au moins que ce soit chez nous. Nous avons marché environ deux heures dans les rues désertes, longé la Garonne, pris des chemins que je ne connaissais pas.

J’ai retrouvé GérardKlein (qui n’était pas encore un GérardKlein à l’époque) et ma sœur en visite à Toulouse, “confinés” au 11ème étage (ou peut-être était-ce le 13ème ?) de ce grand immeuble de brique rouge le long du canal. Nous n’avions aucune perte à déplorer, excepté la cafetière : l’explosion avait ouvert brusquement la fenêtre de la cuisine et l’avait projetée sur le sol.

Une de mes amies a vécu six mois avec des cartons en guise de carreaux de fenêtre, le temps que l’assurance accepte enfin de payer. Toute la ville a longuement porté les stigmates de ce jour-là, les préfabriqués sont devenus le lot quotidien de bien des gens, au travail, à la fac, à l’école, et pour certains, en guise de maison… Je me souviens de ce terrain vague, soudain transformé en sorte de “camping” de luxe avec des dizaines de mobil-home, sur la route qui nous menait à la chorale…

Dix ans après, ce qu’il en reste, c’est le souvenir de cette peur qui nous a saisie à la gorge, à l’instant où nous avons entendu et senti l’explosion. Cette panique moite, cette main qui nous broyait l’estomac et nous coupait les jambes. Que se passe-t-il ? Que va-t-il nous arriver ? Et puis ces premières heures où le téléphone ne fonctionnait pas, où il nous était impossible de joindre nos proches pour les rassurer, pour nous rassurer…

La peur. Et ensuite seulement la compassion, pour ceux qui étaient là, tout près, trop près. Ceux qui passaient par là, à la mauvaise heure au mauvais endroit.

Les morts, les blessés, ceux qui ont perdu leur maison, leur lieu de travail.

Je me souviens.

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Le 21 septembre 2011
A 10:53
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L’ami Lamy

(pardon pour l’exécrable jeu de mot du titre, j’ai pas pu résister.)

Donc, mon petit violon a regagné mes pénates, après un peu de colle, un bon coup de popote de luthier, et un bon réglage des chevilles. J’ai aussi investi dans une boîte digne de ce nom (c’est à dire qui ne soit pas bouffée par les vers, comme la boîte originelle).

J’en ai appris un peu plus sur ce violon : c’est un “medio fino”, sortit des ateliers de Thibouville-Lamy à Mirecourt en 1880.

“medio fino”, c’est un joli nom italien qui signifie “mi-fin”. Un peu comme pour les haricots verts, il y a les extra-fins, les mi-fins…

Ces violons étaient destinés au plus grand nombre, c’étaient donc des violons “pas chers”. Pour “rogner” un peu sur le coût de fabrication, les filets étaient gravés et non incrustés (comme je l’avais remarqué au premier coup d’œil sans savoir ce que ça voulait dire), et le bois choisit était un bon bois, séché dans les règles de l’art, mais qui n’était pas “ondé”, donc moins joli à regarder, ou dont les veines n’étaient pas régulières (idem, le seul inconvénient est esthétique).

Certains de ces medio fino étaient “moulés” à la vapeur; mais pas le mien, il a bel et bien été fait main, par l’un des apprentis de Lamy.

La mentonnière qui était montée dessus était aussi d’origine, selon le luthier.

J’ai donc pieusement conservé la boîte en bois, peinte en noir, la mentonnière (l’ergonomie n’avait sans doute pas été inventée en 1880), et les cordes en boyaux avec leurs emballage en papier cristal, et j’ai placé mon violon dans sa boîte neuve, avec son archet neuf et sa mentonnière neuve.

Comme j’essayais les mentonnières, le mari du luthier (qui est une luthière mais ça m’écorche un peu de l’écrire…) s’est approché. “Il sonne bien, ce petit medio fino”, a-t-il eu le courage de dire. Je lui ai fait remarquer qu’il était bien gentil de le dire; mais c’est vrai, il “sonne bien”, je m’en aperçois, et un luthier dont l’oreille est exercée à écouter la “forme” générale d’un son de violon, abstraction faite de la justesse et de tout ce qu’on peut imputer au violoniste, s’en aperçoit du premier coup…

Un bon moment, dans cet atelier chaleureux, à évoquer nos vieux souvenirs (j’y ai “travaillé” une semaine en 1994, j’ai fréquenté le collège de leurs enfants, et le mari a même passé le même bac que moi dans le même lycée avec la même prof de musique, adorable Mme Nicolle…)

Bon, maintenant, y’a plus qu’à !

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Le 1 septembre 2011
A 18:31
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au violon

Mon “nouveau” violon est chez le luthier ces jours-ci. Le même luthier chez qui j’avais effectué mon stage “en entreprise” en troisième. (je n’ose même pas compter combien de temps ça fait. J’ai peur de trouver un résultat proche d’un vingtaine d’années…)

De nouvelles chevilles qui “tiennent”, un point de colle, le remplacement d’une attache-cordier en boyau par une en nylon, qui ne risque pas de lâcher du jour au lendemain, la pose d’un tendeur… et surtout, une nouvelle boîte, l’actuelle n’ayant pas de poignée…

La joie et l’enthousiasme que je ressens, d’avoir à nouveau un violon… Indescriptible ! (à peu près comme les sons que je vais en tirer…)

Categorie : moi
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Le 26 août 2011
A 19:35
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La prof au panier

Au conservatoire, quand je passais mon prix d’analyse, ma prof (une prof super, très enthousiaste, aimant sa matière et pleine de culture, d’anecdotes qui rendent les compositeurs vivants et proches de nous) venait en cours sur un vieux biclou rouillé et transportait toutes ses affaires dans un grand panier d’osier, le panier de mamie pour aller au marché. Dedans, photocopies en pagailles, CD, notes, partitions écornées, stylos, bouteille d’eau… Je me souviens aussi être allée chez elle, en Juin, pour préparer l’examen et manger les cerises de son cerisier.

J’aimerais bien un jour pouvoir être une “prof au panier”. Me moquer d’avoir l’air, d’essayer d’en imposer, de trimballer mon barda (photocopies, CD, notes, partitions, stylos, bouteille d’eau…) dans un cartable en cuir foncé…  De froncer les sourcils et d’élever la voix, de menacer d’heures de colles ou de contrôles surprises, de dire 10 fois “silence” et une seule fois quelque chose d’intéressant…

J’aimerais bien pouvoir aller au collège en nu-pieds comme ma prof au panier.  J’aimerais bien supprimer le décorum. Garder l’essentiel. N’avoir besoin que de l’essentiel.

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Le 10 mai 2011
A 10:53
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nouveau départ

Previously, in “mes vies”…

… je vous parlais de grandes questions existentielles… qui ont aboutit plus tôt que je ne m’y attendais, à un évènement excitant et  un peu inquiétant aussi… À  partir de la rentrée des vacances (=dans 10 jours à peine), je serai prof remplaçante, dans un collège.

Je préfère ne pas écrire la matière en toute lettre, histoire qu’un petit malin qui taperait “prof de XX” ne risque pas de tomber sur le blog de sa prof avec ses petits tricots, son  GérardKlein et les prénoms de ses enfants.

Sachez cependant que c’est une matière artistique et qu’il y a un piano dans ma salle (là, si t’as pas trouvé, lecteur, je peux hélas plus rien pour toi.)

Je vais donc disposer d’une grosse semaine pour

- coudre le manteau de Malo (il commence à cailler grave)

- préparer 15 heures de cours par semaine jusqu’à Noël, en respectant l’esprit d’un programme de 20 pages rédigé par des gens qui ignorent vraisemblablement tout d’un élève de collège ET de  la matière en question. (en gros, les rédacteurs du programme d’histoire-géo se sont dit “tiens, tant qu’on y est, on va faire aussi la XX.”)

Peut-être que je vais commencer un nouveau blog, spécifique et plus anonyme. Mais pas tout de suite. Et si  c’est le cas, fidèle commentateur, promis, je t’enverrai l’adresse. (Fidèle lecteur qui commente jamais, tant pis pour toi, c’est le karma…)

En tout cas, je continuerai sans doute de poster ici mes expériences plus ou moins satisfaisante dans les arts du fil (si j’ai encore un peu de temps pour  ça…), mes coups de coeurs et mes coups de gueule, et tout ce qui va avec… Mais surement moins souvent.

En attendant, on est dimanche, il fait beau, je vais donc éteindre mon ordinateur et tâcher d’en profiter un maximum !

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Le 24 octobre 2010
A 9:46
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la cloche

Malo a donc fait son entrée au CP. Il semble content, il mémorise plein de nouveaux mots -jusqu’à présent il se servait uniquement du déchiffrage pour lire, à présent il accepte de “deviner” les mots, comme il dit.

Tout va bien, donc. La maîtresse est sympa (”elle crie pas tout le temps, la maîtresse. Pas comme celle de l’année dernière !”), mais pas laxiste non plus (Malo a été séparé de son copain au bout d’un mois… pour être placé à côté d’une petite fille qui ne discute pas.)

Mais dehors, à la sortie, les mamans râlent. Ben oui. Les enfants ne sortent pas “instantanément” de l’école à la sonnerie. En fait, la maîtresse arrête son travail à la sonnerie, et le temps que nos enfants rangent leurs affaires dans leurs cartables, leurs chaises sous leurs tables, et prennent leurs manteaux, il leur faut souvent plus de 5 minutes.

Drame.

Selon certaines mamans, la maîtresse devrait anticiper sur la cloche, et arrêter le travail 5 minutes avant. Alors bon, j’ai jugé inutile de leur faire le calcul du temps représenté par 5 minutes deux fois par jour quatre fois par semaines dix mois par an… Ou de leur rappeler que depuis le passage aux 35 heures, le temps d’habillage et de déshabillage est décompté du temps de travail…

J’ai préféré me taire, et me souvenir de mon prof d’histoire-géo de 4ème et 3ème. J’adorais ce prof. Je le vénèrais. J’en aurais même été amoureuse, mais il cumulait pas mal d’obstacle rédhibitoires :

- il frisait la soixantaine

-il avait toujours un peu de salive séchée aux coins des lèvres

- il était presque chauve, ses rares cheveux étaient si gras qu’ils luisaient autour de son crâne

- il était petit et bedonnant.

Mon amour fut donc purement intellectuel. Mais je me souviens, avec émotion, de notre premier cours. Quand la sonnerie annonçant la fin de l’heure retentit, les 24 élèves, comme de bons petits chiens de Pavlov que nous étions, s’arrêtèrent aussitôt d’écrire et se mirent à ranger leurs affaires. Le regard courroucé, la voix forte, le cher Paul (qui était, d’ailleurs, le seul prof à ne pas nous appeler par nos prénoms, mais par nos noms de famille…), tonna : “mais qu’est-ce que vous faites ?”

Naturellement, un élève assez courageux répondit, d’une voix faible “mais…ça a sonné, m’sieur !” Ce à quoi Paul répondit cette phrase, magnifique et définitive, paraphrase de Louis XIV teintée d’autodérision : “J’en ai rien à  faire. La cloche, c’est moi.”

Sur ce, il  finit son cours comme si de rien    n’était, et nous libéra ensuite.

Inutile de dire qu’il nous avait dressés une bonne fois pour toutes. Si, dans toutes les classes, on se jetait sur nos sacs à   dos  Chevignon aussitôt que la sonnerie retentissait, en histoire-géo, aucun élève ne bougeait une oreille tant que notre bon maître ne nous délivrait pas verbalement notre habeas corpus.

C’est bien dommage qu’aucun des parents d’élèves de la classe de Malo n’ait eu ce bon Paul en  histoire-géo. Ils auraient appris que ça n’est pas la cloche qui commande…

Categorie : moi
Par mes vies
Le 12 octobre 2010
A 8:37
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