10 ans
10 ans.
Pourtant je n’ai pas entendu ce matin à la radio évoqué ce triste anniversaire. Il y a dix jours, tout france-inter s’installait à New York pour commémorer les attentats sur les tours. Se souviendra-t-on aujourd’hui qu’il y a dix ans, au sud de Toulouse, une explosion causait la mort de nombreuses personnes, paralysait la ville une journée entière, plongeait ses habitants dans la panique, le temps de comprendre ce qui s’était réellement passé ?
Que durant des mois, des années, les cicatrices seraient visibles, palpables, sur les façades des immeubles même loin du lieu précis de l’accident ?
Je me souviens de ce jour-là, je me souviens de l’état étrange dans lequel nous étions, abasourdis par ce qui venait de se passer à New York. Le souffle, le bruit de l’explosion, nous l’avons parfaitement senti à Blagnac où je travaillais à vendre de la création électroacoustique à des élites pas très intéressées. Trois dalles de polystyrènes sont tombées du faux-plafond, on s’est tous regardés, on a tous pensé “c’est une bombe”. Alban est monté au plus haut du bâtiment, il voyait la fumée noire, là-bas, loin, de l’autre côté de la ville. Très vite les bruits ont couru, tous contradictoires. Une bombe, un accident, une explosion, plusieurs explosion… Nous avions trouvé une radio, les gens étaient tous dans les couloirs, inquiets, ignorants, spéculants… Je me souviens de cette femme qui pleurait parce que son mari travaillait là-bas, “à Lonia”. Je n’avais jamais entendu parler d’AZF, par contre je savais que tout le monde disait qu’un jour, “ça finirait par pêter, à Lonia”.
Je me souviens de la circulation qui était entièrement coupée, des messages à la radio contradictoires sur la présence ou non d’un gaz toxique, sur la nécessité ou non de se confiner.
Je me souviens que nous sommes tout de même parti à pied, Fred avait laissé son camion à Blagnac. Nous habitions dans le centre ville, on voulait juste rentrer chez nous. Quitte à attendre sans rien savoir, au moins que ce soit chez nous. Nous avons marché environ deux heures dans les rues désertes, longé la Garonne, pris des chemins que je ne connaissais pas.
J’ai retrouvé GérardKlein (qui n’était pas encore un GérardKlein à l’époque) et ma sœur en visite à Toulouse, “confinés” au 11ème étage (ou peut-être était-ce le 13ème ?) de ce grand immeuble de brique rouge le long du canal. Nous n’avions aucune perte à déplorer, excepté la cafetière : l’explosion avait ouvert brusquement la fenêtre de la cuisine et l’avait projetée sur le sol.
Une de mes amies a vécu six mois avec des cartons en guise de carreaux de fenêtre, le temps que l’assurance accepte enfin de payer. Toute la ville a longuement porté les stigmates de ce jour-là, les préfabriqués sont devenus le lot quotidien de bien des gens, au travail, à la fac, à l’école, et pour certains, en guise de maison… Je me souviens de ce terrain vague, soudain transformé en sorte de “camping” de luxe avec des dizaines de mobil-home, sur la route qui nous menait à la chorale…
Dix ans après, ce qu’il en reste, c’est le souvenir de cette peur qui nous a saisie à la gorge, à l’instant où nous avons entendu et senti l’explosion. Cette panique moite, cette main qui nous broyait l’estomac et nous coupait les jambes. Que se passe-t-il ? Que va-t-il nous arriver ? Et puis ces premières heures où le téléphone ne fonctionnait pas, où il nous était impossible de joindre nos proches pour les rassurer, pour nous rassurer…
La peur. Et ensuite seulement la compassion, pour ceux qui étaient là, tout près, trop près. Ceux qui passaient par là, à la mauvaise heure au mauvais endroit.
Les morts, les blessés, ceux qui ont perdu leur maison, leur lieu de travail.
Je me souviens.
oui…
Comment oublier quand on a vécu cette journée? Impossible pour moi…
C’est vrai, à part la Dépêche, pas grand-chose…
Mes souvenirs et impressions ressemblent beaucoup aux tiennes. J’avais quand même eu la chance de rassurer par mail ma soeur qui habitait en Angleterre et elle avait appelé mes parents avant même qu’ils ne s’inquiètent.