mes vies

blog multidirectionnel : mes vies de mère, de prof, de musicienne, de lectrice, de promeneuse, de dilettante en tout et spécialiste en rien… Et même mes vies de cuisinière, couturière et tricoteuse !

 

Janvier septante-sept.

Il y a quelques disques qui m’accompagnent depuis toujours. Des disques que j’écoutais, en 33tours, sur la chaine dans la chambre de mes parents, quand j’étais toute petite; et dont je possède aujourd’hui la version CD.

Des disques dont je peux dire qu’il ne s’est pas passé une année entre ma naissance et aujourd’hui sans que je les écoute.

Quelques vieux Tri yann, l’album des Kouerien, les premiers albums d’Yves Duteil. Et celui dont je voulais parler aujourd’hui, un “live” (même si à l’époque personne n’employait ce mot) de Julos Beaucarne : “Au théâtre de la ville, Janvier septante-sept”. Cette captation de concert a donc eu lieu un an, exactement, avant ma naissance.

Je revois parfaitement la grande pochette dans les tons de bleu, représentant un monument quelconque (peut-être le fameux “théâtre de la ville” ? De quelle ville, d’ailleurs ?). Et au milieu, collé là par quelque apprenti graphiste pré-photoshop, la photo la plus incroyable que j’ai vue sur une pochette de disque. Une photo un peu jaune, du chanteur assis par terre, près d’un truc non identifiable (outil ? machine ? Poèle à bois ou à charbon ???), vêtu d’un improbable gilet en jacquard. Une photo comme il en traine dans les albums de famille, ratée, une peu floue, un peu sous-exposée, pas vraiment cadrée…

Une photo qui vient dire le côté simple, nature, presque artisanal de ce concert, de cette musique, de ces chansons.

La pochette du CD est l’exacte reproduction de l’original, sans le moindre travail d’édition. Combien s’en est-il vendu ?

Julos Beaucarne est en dehors de tout ça, chanteur non-commercial, non récupérable, “libre dans sa tête” comme disait l’autre.

Cet album, je le connais par cœur de la première à la dernière note. Comme 12 autres c’est mon album préféré de tous les temps… Une voix, celle de Julos, un violoncelle, une flûte, une guitare, un piano et une voix féminine qui interprète à elle toute-seule  “les chœurs de l’armée verte” comme le dit le chanteur en présentant ses musiciens (en 77, à une époque où ça n’était pas la mode de mettre le vert à toutes les sauces…)

Des textes, surtout. Ceux du chanteurs lui-même, poignants, poétiques, engagés, amusés… Ceux de quelques autres, de Victor Hugo à Arthur Trigaux, obscur auteur-compositeur wallon du début du siècle (le 20ème, bien sûr).

Des textes qu’il chante, et d’autres qu’il dit, accompagné ou non des instruments…

Parmi les chansons, les textes, les intermèdes instrumentaux, j’ai du mal à choisir un seul extrait, tant tous me parlent, me touchent, m’amusent ou m’émeuvent.

Les textes sur Périclès ou sur la francophonie, toujours terriblement d’actualité, les chansons amusantes, comme l’oncle Eustache ou la petite gayole, sont de vrais petits bijoux.

Les chansons plus graves ou plus poétiques ont tout de même ma préférence… J’ai “travaillé” avec des élèves la chanson sur un poème de Victor Hugo : “Je ne songeais pas à Rose”, très belle chanson à l’accompagnement parfaitement pensé, à la flûte et au violoncelle, qui endossent chacun le rôle de l’un des personnages du poème.

“Chanson pour Loulou” est une chanson belle, poignante mais toujours optimiste et jamais larmoyante, qu’il a écrite après l’assassinat de sa femme, par un vagabond qu’ils hébergeaient…

“À vous mes beaux messieurs” est une chanson pacifiste et humaniste, que je fais comparer au “Déserteur” par les élèves de 3ème, vu qu’elle s’en rapproche un peu sur la forme (l’adresse directe aux puissants…)

Mais celle qui m’a toujours bouleversée c’est “Lettre à Kissinger”.

Elle raconte de façon crue et factuelle la mutilation et l’exécution publique de Victor Jara, au Chili. C’est une chanson que je ne peux pas écouter sans avoir la chair de poule et les larmes aux yeux, bien que je l’ai entendue déjà des milliers de fois.

Elle nous rappelle qu’aujourd’hui comme toujours, les artistes, les musiciens, les poètes, ceux qu’on dit parfois rêveurs, en dehors du monde et de ses réalités, sont la principale cible des régimes totalitaires… Car comme le chante Yves Duteil,

Vous pouvez fermer vos frontières
Bloquer vos ports et vos rivières
Mais les chansons voyagent à pied
En secret dans des coeurs fermés

La chanson engagée, la chanson politique, la chanson de résistance a encore beaucoup de force et de puissance…

L’accompagnement à la guitare qui monte en puissance de couplet en couplet, les longues tenues au violoncelle contribuent à la tension palpable de cette chanson.

(je parle là de la version concert, celle de “mon” disque. Sur la vidéo, c’est une version album, légèrement différente.)

Je vous conseille d’aller lire la fiche Wikipedia de Julos Beaucarne. Le portrait qui en est dressé rend le personnage bien plus que sympathique…

Il faut, absolument, lire la lettre ouverte écrite par Beaucarne au lendemain de l’assassinat de sa femme, qui se termine par ces mots superbes : “il faut s’aimer à tort et à travers”.

Et enfin, le site qui retrace la vie, l’oeuvre, l’action politique, la mort, et l’héritage de Victor Jara.

et enfin-enfin, la chanson…

Categorie : Non classé, musique, la chanson du jour
Par mes vies
Le 8 février 2012
A 14:32
Commentaires :
 

1 Comment for this post

 
KaMaïa Says:

C’est Seymour, mon “Maître” dans certains domaines qui m’a fait découvrir Julos Beaucarne, ils sont amis.
J’aime ses mots, sa pensée aussi et tout cet amour universel ou inconditionnel qui en émane. Je ne le pensais pas très connu, mais de toi, ça ne m’étonne guère :)

 

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